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MÉMOIRES DE LAFAYETTE.

penserait à ouvrir ces cassettes. Alors la reine plaça les clés sur son chapeau. Lafayette lui fit des excuses sur la peine qu’il lui donnait de les reprendre, et déclara qu’il ne les toucherait pas. — Eh bien ! dit la reine avec humeur, je trouverai des gens moins délicats que vous. — Elle n’en trouva point, car on n’examina aucun papier[1]. Le roi entra dans son cabinet et écrivit quelques lettres dont il chargea un valet de pied qui en prévint Lafayette. Le commandant-général trouva fort mauvais qu’on lui eût attribué une semblable surveillance.

C’était par égard pour lui que l’assemblée n’avait pas voulu le déclarer immédiatement chargé de la garde du roi ; mais comme les gardes intérieurs avaient, sous ses ordres, une responsabilité personnelle, on comprend qu’il devint presque impossible d’exiger qu’on se relâchât de certaines précautions. Il prit soin pourtant de choisir pour cette garde les personnes qu’il crut devoir être les plus agréables au roi. L’expression de garde particulière dont on s’était servi dans le décret du 25, paraissait indiquer une séparation des membres de la famille royale. Quelques députés dirent à Lafayette que c’était dans ce sens qu’il aurait dû l’entendre. Il déclara que lorsqu’une mesure de rigueur était susceptible de deux interprétations, il ne comprenait jamais que le sens le plus humain. En même temps, comme il demandait quelques autres adoucissemens, on lui proposa, dans les comités réunis[2], de les faire spécifier par l’assemblée. En ce cas, répondit-il, je prends la chose sur moi ; il vaut mieux que j’aie ce tort que de le donner aux représentans de la nation. Il ne s’agissait d’ailleurs que de détails peu importans.

Le service domestique se faisait comme à l’ordinaire ; quant au service militaire, il y avait cette différence que le commandant-général donnait le mot de l’ordre, sans l’avoir pris du roi. Les portes et les cours du jardin étaient fermées ; mais Lafayette avait prié la famille royale de lui communiquer la liste de tous ceux dont elle souhaitait l’admission au château. Cette liste était très nom-

  1. On ne se rappelle plus si c’est le soir ou le lendemain matin que Lafayette vit la reine ; il paraît cependant que c’est le lendemain matin, fait aisé à vérifier. Alors la cassette aurait été oubliée le soir dans la voiture. La petite scène se passa dans la chambre du roi. C’est dans celle de la reine que le commandant-général eut une conversation avec elle ; elle remonta ensuite, et dit à Montmorin qu’elle avait été fort contente de Lafayette.

    (Note du général Lafayette.)

  2. Le comité diplomatique, les comités de constitution et des rapports.