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MADAME DE PONTIVY.

plus déserts, ne sachant que se redire à lui-même ces mots : Laissez-moi ; tout a fui ! Et pour continuer sa plainte et la tirer tout entière, il aurait fallu les pleurs d’Orphée.

Ce qu’il écrivait de ses pensées rompues à Mme de Pontivy ne recevait que réponses rares et bonnes, mais chaque fois plus découragées. L’automne s’achevant, il revint à Paris, et il attendait, pour se présenter chez Mme de Noyon, qu’il avait quittée en froid, un mot, un signe de Mme de Pontivy, elle-même de retour. Mais rien. Il allait se hasarder à une démarche, quand, un soir, en entrant chez Mme de Ferriol qui avait nombreuse compagnie, il y trouva Mme de Noyon et sa nièce déjà arrivées. Sa vue avait porté du premier coup d’œil sur Mme de Pontivy : il contint mal son émotion.

Elle était entourée de femmes, assez proche de la cheminée, dont la séparait un seul fauteuil occupé ; et elle semblait elle-même assez émue pour ne pas songer à se prêter à un entretien avec lui. Elle ne bougea point de sa place. Après plus d’une heure d’attente et de propos saccadés, frivoles, par où s’exhalait une irritation étouffée, après avoir essuyé quelques traits de Mme de Noyon, et avoir fait une espèce de paix suffisante pour le moment, M. de Murçay, allant droit à Mme de Pontivy, toujours entourée, lui dit assez haut pour que sa voisine du coin de la cheminée l’entendît, qu’il désirait l’entretenir quelques instans de ce qu’elle savait, et qu’il lui en demandait la faveur avant qu’elle se retirât. « Certainement, » répondit Mme de Pontivy ; et la voisine, qui voulut bien comprendre à demi, se leva après quelques minutes. M. de Murçay, s’asseyant à la hâte près de celle qu’il ne pouvait croire ravie, commença en des termes aussi passionnés que le permettait le lieu, et avec des regards que mouillaient, malgré lui, des larmes à grand’peine dévorées. « Quoi ! lui disait-il, est-il possible ? est-ce bien possible que ce soit là en effet la fin d’un amour comme le nôtre ? Quoi ! madame, le ralentissement, le silence, et puis rien ? Quoi ! si je n’avais insisté presque contre la convenance tout à l’heure, je manquais, après des mois, la première occasion de vous parler. Quoi ! votre cœur n’a pas eu un cri à ma rencontre ? J’ai eu des torts, des détails de froideur, de négligence ; je le confesse et j’en pleure ; mais que sont-ils ? et combien me les suis-je reprochés ? combien de fois en ai-je souffert ? Je les aurais rache-