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ACADÉMIE FRANÇAISE.

les hommes d’imagination que l’Académie française est naturellement appelée à se recruter. Non-seulement cette préférence est naturelle, mais encore elle est utile au progrès de la langue. Car, malgré la parité incontestable qui existe sous le rapport des ressources littéraires entre l’histoire, la philosophie et la poésie, cependant on conçoit sans peine que les poètes s’occupent du renouvellement, de la richesse ou de la pureté des formes avec une prédilection plus constante que les historiens ou les philosophes. Car les poètes ont en vue l’expression de la beauté, tandis que les historiens se proposent la réalité, et les philosophes la vérité. Or, quoique la réalité et la vérité puissent légitimement prétendre à se montrer sous une forme élégante et belle, cette ambition ne leur est pas indispensable, tandis que l’imagination, résolue à l’expression de la beauté, compte l’étude de la forme parmi ses devoirs les plus impérieux. Si ces idées sont vraies, et nous les tenons pour telles, il nous semble que la conduite de l’Académie est toute tracée. Si la troisième classe de l’Institut veut bien jeter les yeux autour d’elle, si elle veut bien s’enquérir des poèmes et des romans qui se publient, elle n’aura pas de peine à rencontrer un écrivain capable de satisfaire à toutes les conditions que nous venons d’énoncer. Je ne dis pas qu’elle trouvera des Homère et des Pindare par douzaines ; mais elle mettra facilement la main sur des hommes égaux aux meilleurs de ses membres, et supérieurs au plus grand nombre. Et s’il arrivait que les hommes vraiment dignes d’entrer à l’Académie française fussent retenus par une injuste défiance, le devoir de l’Académie serait d’encourager, de provoquer leur candidature, et de la rendre nécessaire en la montrant infaillible. Il est possible que les traditions combattent le conseil que je donne. Mais dans ce cas, comme dans beaucoup d’autres, la raison me semble supérieure aux traditions, et doit l’emporter sur elles.

Que si par malheur les poètes manquaient, l’Académie française, pour se compléter, serait légitimement admise à choisir un historien, un philosophe, un naturaliste, un géomètre. Mais avant de l’appeler à elle, elle aurait à examiner autre chose que la valeur historique, philosophique, physiologique ou mathématique du candidat. Elle devrait s’assurer que l’historien ou le philosophe, le naturaliste ou le géomètre, a montré dans l’expression des vérités