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ACADÉMIE FRANÇAISE.

justice du pouvoir absolu et le néant de la gloire, la France n’aurait pas subi une double invasion ; si la restauration eût pris pour guide l’historien des Stuarts et lui eût demandé quelles sont les vraies limites de la liberté politique, quels sont les droits du peuple et de la royauté, le trône des Bourbons serait encore debout ; c’est-à-dire que le xixe siècle n’est vraiment sage, vraiment éclairé, vraiment raisonnable, que depuis l’avènement de M. Guizot au ministère. Si cette théorie est exacte, toutes les fois que M. Guizot rentre dans la vie privée, il entame par sa retraite la sagesse de notre temps. Si nous voulons persévérer dans la raison et mériter les éloges que nous a décernés le récipiendaire, il faut lui souhaiter un portefeuille viager, il faut lui assurer, par tous les moyens qui sont à notre disposition, la perpétuelle présidence du conseil. C’est là, je crois, le sens intime du discours prononcé par M. Guizot, et nous croyons rendre service, non-seulement à l’Académie, mais aux chambres, mais à la presse, mais à la nation tout entière, en expliquant ce que nous avons entendu, en révélant la vérité cachée sous la pompe de l’éloquence ; et c’est avec plaisir que nous accomplissons cet impérieux devoir.

Si nous pouvions douter un seul instant du sens que nous attribuons aux paroles de M. Guizot, une phrase de son discours suffirait pour nous ramener à notre conviction première, pour nous y confirmer. Cette phrase merveilleuse, irrésistible, n’est autre chose que l’éloge de l’ambition. M. Guizot, dans sa paternelle bienveillance, nous dit : Défiez-vous de l’ambition ; mais il ajoute : N’y renoncez jamais ! comme s’il voulait, par ces simples paroles, nous rassurer sur l’avenir de la France, et nous promettre qu’il fera tout pour ne pas abandonner le pouvoir. Oui, M. Guizot a raison, l’ambition est une belle et grande chose, une noble passion, une passion nécessaire ; c’est, pour les hommes d’état, un devoir, une vertu. Mais il faut bien s’entendre sur le caractère de l’ambition vraie. Or, l’ambition vraie n’est pas l’amour obstiné du pouvoir, c’est le désir et le courage d’accomplir une volonté conçue dès long-temps, discutée par la conscience, dans la solitude et le recueillement, dont la sagesse évidente prescrit l’accomplissement. L’ambition, ainsi définie, et nous ne croyons pas possible de la définir autrement, est-elle bien l’ambition de M. Guizot ? les allées et les venues de cet homme d’état, depuis six ans, indi-