Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/134

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
130
REVUE DES DEUX MONDES.

une cause d’adoucissement dans nos lois criminelles ; c’est que le système à introduire dans nos prisons aurait principalement pour but d’en rendre la discipline plus sévère. À un régime sans force, qui encourage le crime et qui consacre l’impunité, nous devons substituer un régime assez rigoureux pour jeter un effroi salutaire dans les consciences. Par-là, quelques dispositions de la loi doivent changer : les rigueurs de la prison devront diminuer quelques rigueurs inutiles du code. La durée de l’emprisonnement devra être abrégée ; ce sera le moyen de rétablir l’équilibre dans la justice ; ce sera aussi le moyen de rendre les conversions plus utiles à la société. Mais, on ne saurait trop le répéter, ce qu’il faut le plus éviter dans ces changemens, c’est de suivre les conseils d’une fausse philantropie.

Telle est, dans son ensemble, une des réformes que les besoins actuels du pays exigent le plus impérieusement. L’administration, nous en sommes sûrs, a les yeux fixés sur elle ; la question sera sans doute soulevée dans la session. Remarquons toutefois que le devoir du gouvernement, dans cette question, n’est pas de présenter aux chambres un système détaillé, complet, dont tous les points soient arrêtés, dont toutes les difficultés soient résolues d’avance : l’expérience joue ici un grand rôle, et la pratique seule peut déterminer la valeur des moyens qu’on emploiera. C’est donc aux chambres de laisser sur cette question une certaine latitude au gouvernement. Elles ne doivent pas voter les yeux fermés ; mais elles peuvent, en donnant les crédits nécessaires, exiger que le gouvernement présente les points généraux de réforme, et plusieurs bases d’après lesquelles il agira sous sa propre responsabilité. Il n’y a pas d’autre marche à suivre pour rendre la réforme possible, praticable, sur tous les points de la France, et pour l’éclairer de plus en plus des lumières de l’expérience et de la raison.

Théâtre-Français. — Caligula.

L’étude d’une grande figure historique, relevée par les séductions de la poésie, et par les plus puissans prestiges de l’optique théâtrale, promettait enfin ces émotions littéraires dont le public se montre si avide, et que nos théâtres lui procurent si rarement. L’empressement inaccoutumé de l’auditoire, son air de fête, son attention soutenue ; nous dirons plus, le respect de lui-même qu’il a apporté dans ces fonctions de juge qu’il daigne à peine remplir d’ordinaire, ont été remarqués comme un présage favorable pour l’avenir de la pièce. La curiosité excitée par les premières représentations se soutiendra-t-elle ? Nous le désirons, et nous l’espérons. On réussit parfois au théâtre, autant par les défauts d’un ouvrage que par ses qualités. Or, si nous regrettons d’avoir à signaler, dans Caligula, une profusion d’incidens, qui devait rendre presque impossible l’étude approfondie des caractères, et la savante personnification des types indiqués par l’histoire, nous reconnaîtrons en même temps que l’imprévu des situations, les contrastes, l’agitation un peu désordonnée des figures, l’éclat scénique, les illusions de la perspective sont des moyens d’effet auxquels la foule se laisse toujours prendre. Pour être juste envers M. Dumas, il faut le suivre sur le terrain où il s’est laissé entraîner, et apprécier dans son œuvre dramatique l’effort d’une puissante imagination, sans essayer de la battre en brèche au nom de la logique et du sentiment.

L’affranchi Protogène, le mauvais génie de Caïus, a appris que la bou-