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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/142

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REVUE DES DEUX MONDES.

L’homme disparaît dans l’importance même de son œuvre, qui tient, par sa racine et ses effets, aux premiers fondemens et aux intérêts les plus positifs de la société moderne.

Si le christianisme avec lequel commence non pas l’humanité, mais seulement la société moderne, a un caractère, un signe qui le distingue de toutes les autres religions, ce signe est, à coup sûr, dans le principe sublime de la fraternité des hommes entre eux. Les autres idées de l’ordre intellectuel et moral, comme l’unité et la grandeur de Dieu, l’immortalité de l’ame, avaient été puissamment comprises et servies par d’autres religions, qui avaient développé de magnifiques cosmogonies et enchanté l’imagination des peuples par de splendides promesses. Mais le christianisme trouva son triomphe et son caractère dans l’excellence de sa morale. Il fut autre et supérieur parce qu’il fut plus humain.

Le principe de la fraternité humaine fut donc le point générateur du christianisme, son essence et son signe : hoc signo vinces. Mais il ne devait pas être son unique théorie et sa seule richesse. Les révolutions, soit religieuses, soit politiques, éclatent par l’unité d’un seul principe, mais elles s’accroissent et durent en ralliant à cette unité primitive les autres idées et les autres croyances humaines. Le christianisme n’a pas désobéi à cette loi. D’abord il se produit comme la prédication pure de l’égalité des hommes entre eux. Peu à peu, avec son second fondateur, avec saint Paul, il prend plus d’étendue, plus de consistance et de pratique. Il s’essaie à la théologie comme au gouvernement. Bientôt la théologie chrétienne s’écrit avec la langue d’Athènes et de Rome, et trouve sa substance dans un mélange de croyances orientales et d’idées grecques. À l’éclat littéraire succède l’habileté du gouvernement, et une autorité morale, dont les siècles antérieurs n’avaient pas l’idée, s’élève sur l’ancien théâtre des violences et de la gloire de Marius et de César. Le principe fut un et simple, le développement progressif et général. Dès que la fraternité humaine eut commencé de poindre et de briller, on vit toutes les tendances de l’humanité conspirer à la suivre.

Voilà pour l’évolution directe du christianisme. Mais, sur sa route, que d’épisodes et d’aventures attestent l’éternelle activité de l’esprit humain, qui demande à la foi nouvelle la satisfaction de ses instincts et de ses passions, comme il l’a demandée aux religions précédentes. Ces épisodes et ces aventures qui traversent l’histoire d’une idée s’appellent des hérésies. Saint Paul était assiégé par la crainte des hérésies futures. Ce penseur vigoureux, que l’heure de sa venue