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ÉTABLISSEMENS LITTÉRAIRES DE COPENHAGUE.

Valdemar III la trouva si belle, qu’il voulut y demeurer. L’évêque de Roeskilde la lui prêta pour quelque temps. Mais quand les successeurs de Valdemar s’avisèrent de traiter cette ville comme si elle leur appartenait, il y eut de grands débats entre eux et les évêques, et comme ils n’étaient pas les plus forts, ils furent obligés de transiger. Ils gardèrent Copenhague, mais ils donnèrent en échange au clergé l’île de Moe.

Dès le XVe siècle, Copenhague devint la résidence royale, et tous les souverains de Danemark ont successivement travaillé à l’embellir. Chrétien IV est celui qui a le plus fait pour cette ville. Il a élargi les rues, il a creusé des canaux, il a construit le château de Rosemborg, la bourse, l’observatoire et plusieurs autres édifices.

Aujourd’hui Copenhague est une grande ville élégamment bâtie, traversée par de beaux quais, par de belles rues, et peuplée de cent mille habitans. Deux fois elle a été ravagée par l’incendie[1], et elle s’est relevée de ses ruines plus belle et plus élégante. Deux fois elle a été bloquée par une flotte ennemie[2], et le courage de ses habitans l’a sauvée, et les ressources immenses du pays lui ont fait oublier toutes ses pertes et lui ont rendu tout son éclat.

L’aspect de cette ville est riant et grandiose. D’un côté, on n’aperçoit que la mer et les navires de toute sorte qui abondent dans le port, la chaloupe qui flotte sur les vagues, les lourds vaisseaux de guerre appuyés sur leur ancre, les colonnes de fer des bateaux à vapeur qui envoient dans les airs des nuages de fumée et les bâtimens de commerce qui déroulent au vent leurs voiles blanches ; de l’autre côté, une plaine féconde parsemée de jardins et de campagne, une grande forêt de hêtres pleine d’ombre et de repos, et des églises de village qui se reflètent dans l’eau des lacs. Quand on a passé d’une de ces extrémités de la ville à l’autre, on connaît Copenhague. Là est le port, ici l’université ; là est la population active, industrielle, empressée, les matelots et les marchands, les courtiers et les armateurs, qui calculent le temps, les distances, le tarif des marchandises, les frais d’achat et de transport[3] ; ici les savans qui se retranchent dans leur bibliothèque, et reprennent le texte qu’ils doivent interpréter, ou le problème qu’ils ont entrepris de résoudre. La division de ces deux populations s’est faite d’elle-même. Les marchands ont choisi les rives de la mer, le voisinage des canaux ; les professeurs et les étudians se sont retirés dans les rues silencieuses ; bordées par la campagne, ombragées par les arbres. Copenhague est une ville de science et de commerce. Il y a ici peu de noblesse, c’est-à-dire peu d’oisifs. Tous ceux qui y demeurent ont à choisir entre la bourse et l’université, et tous ceux qui y viennent y sont attirés par les livres ou par les chiffres.

  1. En 1728 et 1794. Le premier détruisit 1,640 maisons ; le second, 945 maisons et le palais de Christiansborg.
  2. En 1538, par les Suédois ; en 1807, par les Anglais.
  3. Le nom de cette ville, tel que les Danois l’écrivent, indique encore son origine première : Kiœbenhavn (port marchand). Il a conservé également sa signification en suédois, en islandais, en hollandais. Il n’en a plus aucune en allemand, en anglais, en français, en italien.