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ÉTABLISSEMENS LITTÉRAIRES DE COPENHAGUE.

placées, ni mêlées à d’autres collections, et certaines rentes ne peuvent être employées qu’à des achats prescrits d’avance. Ce sont autant d’obstacles pour le classement régulier des livres et les acquisitions que le temps, les progrès de la science, la direction nouvelle des études, lui prescrivent. Mais elle est dirigée avec soin, avec habileté, et s’enrichit chaque année d’une manière notable.

La bibliothèque du roi est beaucoup plus importante. Elle renferme près de quatre cent mille volumes, plusieurs manuscrits islandais d’un très grand prix, notamment les deux Edda, et vingt mille manuscrits orientaux que Niebuhr, Rask et Fuglesang ont rapportés de leurs voyages. Elle fut fondée par Frédéric III, qui travailla sans cesse à l’agrandir. Mais elle doit plus encore à la générosité de quelques particuliers qu’à la munificence des rois. Tholt, qui avait formé une bibliothèque de cent vingt mille volumes, lui légua vingt mille volumes de paléotypes ; Suhm lui légua, pour une rente annuelle de trois mille écus, sa bibliothèque, composée de cent mille volumes, et mourut un an après. Elle a recueilli en outre les collections de plusieurs savans, tels que Puffendorf, Luxdorph, Anker, Stampe. Elle était d’abord fermée au public ; mais, vers le milieu du xviiie siècle ; elle fut ouverte deux fois par semaine, et depuis 1793, elle est ouverte chaque jour pendant trois heures.

Le roi lui donne sur sa cassette 6,500 écus par an ; le gouvernement environ 2,000 écus ; 4,000 écus sont consacrés aux achats de livres, le reste aux appointemens des employés.

Il y a un premier bibliothécaire qui ne reçoit, comme je l’ai dit, que 800 écus ; un second, qui est aussi professeur, en reçoit 900 ; un troisième, 1,100 ; un secrétaire, 400 ; un garçon de salle, 300 ; un copiste 250. En tout, 3,750 écus (environ 10,500 fr.).

Le bibliothécaire actuel est M. Werlauft, à qui l’on doit plusieurs publications d’ouvrages islandais, des dissertations sur les antiquités scandinaves, et une excellente histoire de la bibliothèque.

Un de ses prédécesseurs a été Schumacher, devenu célèbre sous le nom de Griffenfeld. Ce fut lui qui rédigea, en 1660, l’acte mémorable qui consacrait le droit de succession dans la famille d’Oldenbourg et enlevait par là aux nobles le privilége d’élire leur roi. Ce fut lui qui, sous le règne de deux souverains, gouverna les affaires de Danernark. Son élévation rapide et sa chute plus rapide encore en ont fait un de ces personnages singuliers qui apparaissent dans l’histoire comme une fiction.

Il naquit à Copenhague en 1635. Son père était marchand de vins. À l’age de treize ans, il rentra à l’université. À l’âge de quinze ans, il soutint une thèse que les savans admirèrent. L’évêque Brochmann, frappé de ses rares dispositions, le fit venir chez lui et le garda. Frédéric III, qui aimait la conversation des hommes instruits, allait souvent rendre visite à Brochmann et ne dédaignait pas de s’asseoir à sa table. Là, il vit le jeune étudiant ; il se plut à causer avec lui, et lui donna de l’argent pour voyager. Schumacher