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ÉTABLISSEMENS LITTÉRAIRES DE COPENHAGUE.

ment accordé, quand tout à coup Griffenfeld devint amoureux d’une princesse de Trémouille, qui, par suite de la révocation de l’édit de Nantes, avait cherché un refuge en Danemark. Il renonça à la riche alliance que la reine lui avait proposée, et les princes d’Augustembourg, humiliés de son refus, jurèrent de se venger, et se liguèrent avec plusieurs courtisans pour le perdre. La fortune qu’il avait amassée fut un des plus puissans griefs employés contre lui. On le peignit aux yeux du roi comme un homme qui avait abusé de son pouvoir, qui avait placé ses créatures, ou distribué les fonctions publiques à prix d’argent. À force d’entendre répéter cette accusation, le roi finit par y croire, et Griffenfeld fut arrêté. On s’empara de ses papiers. On fit des perquisitions dans sa demeure, et l’on y trouva, dit la chronique, quinze tonnes d’or. Il fut jugé comme concussionnaire et criminel de lèse-majesté. Les témoignages portés contre lui ne paraissent pas avoir grande valeur. Pour prouver le crime de concussion, on fit venir un bourgmestre qui prétendait lui avoir donné 400 écus pour obtenir une place, et un prêtre qui assurait lui en avoir donné 500 pour être nommé à une cure. Pour prouver le crime de lèse-majesté, on présenta aux juges un carnet où Griffenfeld avait l’habitude de noter tout ce qui lui arrivait, et où il avait écrit. « Aujourd’hui le roi a raisonné, dans le conseil, comme un enfant. »

Après l’exposé de tous ces crimes, Griffenfeld fut condamné à mort. Chrétien V commua la sentence, et le condamna à la prison perpétuelle. Le malheureux aurait mieux aimé mourir. Il demanda à renoncer à tous ses titres, et à servir comme simple soldat dans un régiment, mais cette grace lui fut refusée. Ses ennemis le redoutaient même en prison. Plus d’une fois le roi s’était écrié : « Hélas ! que n’ai-je encore Griffenfeld ! Il comprenait mieux à lui seul les affaires de Danemark que tout mon conseil d’état réuni. » Ceux qui l’avaient perdu ne voulurent pas lui donner l’occasion de rentrer en faveur. Ils l’avaient d’abord tenu enfermé dans la citadelle de Copenhague ; ils le firent transporter à Munckholm. Après avoir passé dix-neuf ans en prison, il recouvra sa liberté, et mourut à Drontheim. Les Danois l’appellent leur Richelieu.

Il y a encore à Copenhague une autre bibliothèque publique fort intéressante, c’est celle qui a été fondée par le général Classen. On y trouve une nombreuse collection de voyages, de livres d’histoire, de géographie, de mathématiques. M. Classen, en l’abandonnant à la ville, a légué en même temps une somme assez considérable pour l’agrandir.

J’ai parlé dans ma dernière lettre du musée des antiquaires du Nord. Je dois en signaler encore deux autres. Le premier renferme les monnaies et les médailles. Il fut fondé au xviie siècle par Frédéric III. Dans l’espace d’une centaine d’années, il s’est considérablement enrichi. On y trouve aujourd’hui une collection assez curieuse de médailles grecques et romaines, et une collection fort complète de toutes les médailles et monnaies danoises, depuis les amulettes païennes et depuis les bractéates. Ce musée n’a point de revenu déterminé. Tous ses achats doivent être réglés par le roi. Mais il est placé