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Moka, tantôt de Moka à Suez. La mer Rouge peut être divisée en deux grandes zones atmosphériques : depuis Djedda jusqu’à Moka, la prédominance des courans est pendant neuf mois du sud au nord ; depuis Djedda jusqu’à Suez, elle est pendant neuf mois du nord au midi. Au reste, depuis que la vapeur permet de naviguer contre le vent, cette objection des moussons n’a plus aucune valeur. En fait, les paquebots de la compagnie des Indes arrivent à Suez et en partent, plusieurs fois par mois, par conséquent avec et contre la mousson. Les départs et les arrivées ont été combinés avec ceux des paquebots-postes de la Méditerranée. Cette entreprise, qui fait honneur à M. Waghorn, et qui prouve que toutes les susceptibilités d’amour-propre national s’effacent peu à peu devant les grands intérêts du commerce et de la richesse générale, a été annoncée, pour ainsi dire, officiellement par le gouvernement français. Voici en effet ce qu’on lit dans le Moniteur du 20 juillet 1837 : « Une ligne régulière de paquebots à vapeur s’établit, sous la direction de M. Waghorn entre Suez et Bombay. Les départs de Suez auront lieu trois fois par mois ; ces départs se rapporteront à l’arrivée des paquebots français à Alexandrie. » Dans l’état actuel de la ligne, le résultat, offert par M. Waghorn est 38 jours entre Paris et Bombay :

De Paris à Marseille 
4 jours.
De Marseille à Alexandrie 
10
D’Alexandrie à Suez 
4
De Suez à Bombay 
20
38 jours.

Pour les marchandises, il serait facile d’établir un système de paquebots remorqueurs, ce qui apporterait une grande économie de frais. Les procédés et les avantages offerts par la Compagnie Générale de Navigation trouvent ici naturellement leur place. Ces procédés, aussi simples qu’ingénieux, consistent à former des convois de bateaux-wagons, amarrés les uns à la suite des autres, et traînés par un ou plusieurs bateaux à vapeur. On voit que c’est le système des locomotives appliqué à la marine. Un bateau à vapeur muni d’une machine de 150 chevaux peut faire marcher ainsi dix bateaux wagons de 200 tonneaux chaque ; et sa vitesse n’en est que très peu diminuée. Déjà, aux États-Unis, ce système existe pour de grands cours d’eau, où l’on remorque même contre le courant avec une vitesse de 3 lieues à l’heure. On choisit ordinairement, pour bateaux-wagons, des brigantins ou cutters de construction légère, munis de voiles en cas de mauvais temps. Malgré la longueur des amarres, lorsque les vents seront trop violens, ou qu’ils souffleront dans plusieurs sens opposés (ce qui arrive quelquefois dans la Méditerranée), il deviendra nécessaire de se séparer, pour éviter des chocs dangereux ; mais on se réunira après la bourrasque. Dans l’antiquité, les navires voyageaient aussi en compagnie, comme on le voit par les flottes d’Énée, par celles des