faure : « L’intervention le plus tard possible, l’intervention à la dernière extrémité, l’intervention pour dernière ressource ; mais la contre-révolution, jamais. »
On se flatte, nous le savons bien, de ne pas voir arriver cet extrême danger pour la cause d’Isabelle II, de ne pas voir la contre-révolution imminente en Espagne. On croit que la guerre civile peut encore durer des années sans approcher sensiblement d’une solution favorable à don Carlos ; on espère qu’au moins ces tristes vicissitudes se prolongeront assez au détriment des deux partis, avec un égal affaiblissement des deux côtés, pour qu’ils transigent d’eux-mêmes sans médiation et sans garantie étrangère. Eh bien ! on se trompe peut-être ; le ministère modéré qui avait si imprudemment compté sur notre assistance, est aux abois. Il reconnaît que si la France n’accorde pas quelque secours à la cause de la reine, il sera bientôt obligé de faire place à une opinion différente, au parti anglais. Le ministère d’Ofalia, plus sincère que les administrations précédentes, dit encore que l’épuisement des finances est arrivé à son dernier terme, que les carlistes ont réorganisé leurs forces sur tous les points, et que les armes et les généraux de la reine sont profondément découragés. Et tout cela est rigoureusement vrai ! Une expédition carliste vient en effet de passer l’Èbre ; elle a opéré sa jonction avec Cabrera, et elle est entrée dans Catalayud, tandis que le général en chef de l’armée qui devait la combattre et qui aurait dû poursuivre Cabrera, donne sa démission !
Voilà donc la situation dans laquelle le vote et la discussion de la chambre des députés vont trouver les deux parties belligérantes. Du côté de la reine, un ministère modéré, un ministère ami de la France, qui se décourage ; du côté de don Carlos, des bandes que l’on disait vaincues et démoralisées, qui reprennent cœur, qui tentent, au milieu de l’hiver, de nouvelles entreprises et qui agrandissent derechef le théâtre de la guerre, momentanément resserré dans ses anciennes limites. Le sort de l’Espagne peut dépendre, dans une pareille situation, du sens qu’elle attachera au vote de l’amendement Hébert, réclamé par le ministère avec tant d’insistance ; et comme nous craignons qu’après tout l’Espagne interprète mal ce vote, nous disons que le ministère devrait, dans son intérêt et dans un intérêt plus grand que le sien, chercher à en fixer le sens par une combinaison quelconque, de nature à servir la cause constitutionnelle. S’il ne le fait pas, tout est à redouter du désespoir des uns, et d’un redoublement d’audace chez les autres.
Mais, encore une fois, nous avons confiance dans le ministère. M. Molé a dit d’abord, en parlant de la contre-révolution espagnole, que ce serait un grand malheur ; puis, frappé des réflexions de M. Thiers, la justesse de son esprit lui a fait ajouter que ce serait un malheur immense. Ce mot est le fait qui est résulté de la discussion. La France ne se résignera pas, sans de grands efforts pour le détourner, à subir un malheur immense ; et si le danger ne paraît pas assez immense pour le repousser par une coopération active, le ministère aura sans doute quelque moyen à proposer à cette chambre si disposée à l’aider en tout ce qu’il demandera. Un journal dont les opinions ne sont pas toujours les