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chrétiens, mais ce commerce cesserait au premier coup de canon, et la place serait bientôt réduite à ses propres ressources.

Ceuta, comme les autres présides espagnols, est un lieu de déportation. On y envoie les exilés, desterrados, tant ceux condamnés aux galères pour des crimes graves que ceux qui le sont au simple bannissement pour des fautes légères. Ces derniers ont la liberté de s’occuper de leurs métiers ou de servir dans une troupe particulière ; les autres sont à la chaîne comme des forçats, et gardés la nuit dans une caserne affectée à leur usage ; les uns et les autres sont entretenus aux frais du gouvernement. Lorsqu’un de ces desterrados a reçu sa grace, il est obligé de l’accepter, quelque avantage qu’il pût trouver à continuer son métier à Ceuta. La police est fort sévère ; on repousse tout étranger suspect, et l’on n’admet d’autres femmes que celles qui exercent une profession utile ; personne ne débarque sans la permission du commandant, et cette autorisation s’accorde de préférence à ceux qui se présentent avec des marchandises de première nécessité.

Les Espagnols possèdent trois autres présides sur la côte marocaine, Peñon de Vélez, Peñon de Alhuzemas et Melilla. Les deux premiers sont sur la côte du Riff, le troisième dans la province de Garet. Ce sont trois châteaux-forts, à l’ombre desquels s’élèvent quelques maisons particulières, comme au Mont-Saint-Michel. Vélez, le plus fort des trois, et Melilla, célèbre par son miel[1], sont peuplés chacun d’à peu près neuf cents habitans ; Alhuzemas en a moins, quoique sa position soit plus avantageuse, car il commande à la fois la baie dont il a pris le nom, la ville voisine de Mezemma et l’embouchure de la rivière Neccor. Tous ces forts sont pourvus d’artillerie et de garnisons aussi bien entretenues que le permettent les troubles de la Péninsule.

L’Espagne possédait deux autres places maritimes dans la régence d’Alger, Marzalquivir ou la Marca, et Oran, dont l’illustre cardinal Ximénez avait fait la conquête en personne et à ses frais, en 1509. Mais, après beaucoup de vicissitudes, beaucoup de siéges, beaucoup de combats, l’Espagne abandonna définitivement ces deux places le 26 février 1792.

Toutes ces villes furent prises successivement par les mêmes motifs qui nous ont fait prendre Alger. La piraterie était aussi effrénée sur les côtes du Maroc que sur celles d’Alger. Les habitans de Melilla se

  1. Son nom même vient, dit-on, de là, comme celui de la ville de Melilli en Sicile, l’ancienne Hybla, célèbre aussi par son miel.