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REVUE. — CHRONIQUE.

importantes. Le ministère se propose de demander à la chambre une augmentation peu considérable, il est vrai, de notre armée de terre. Le vide que laissent les 23,000 hommes qui se trouvent en Afrique, et qui complètent le contingent de 44,500 hommes, nécessaire en ce moment pour le maintien de notre puissance dans cette contrée, n’est pas assurément un vide alarmant ; mais encore faut-il le compter. En accordant au ministère les moyens de rendre l’armée plus complète, la chambre prouvera que, tout en refusant de s’associer aux entreprises qui lui semblent hasardeuses, elle n’hésite pas à fournir au pouvoir tous les moyens d’assurer la réussite de celles qu’elle approuve. Il est bon, maintenant que l’Europe sait que la chambre ne veut pas de l’intervention en Espagne, qu’on sache aussi que la chambre ne lésine pas quand il faut soutenir la dignité de la France.

À voir les nombreux incidens qui se sont élevés dans la politique européenne, il est impossible de ne pas sentir la nécessité de prendre une attitude de plus en plus forte et respectable, et cela même dans l’intérêt de la paix générale. La conduite pacifique de la France depuis plusieurs années, alors même qu’elle se livrait à quelques entreprises militaires, telles que le siége d’Anvers, l’expédition de Constantine ; son attitude vis-à-vis de l’Espagne, qu’on pourrait même trouver trop réservée, tout, dans ses rapports extérieurs, est fait pour inspirer la confiance en sa modération. La France doit à cette conduite une influence qu’on ne peut méconnaître, et qui est, certes, plus réelle que l’influence à laquelle elle aura pu prétendre par une politique d’intimidation extérieure, — qu’on nous passe ce terme, déjà oublié, Dieu merci.

Cette politique noble et généreuse a toujours été celle de la France à ses belles époques : nous n’en excepterons que deux, celles de Louis XIV et de Napoléon. Tout le génie de ces deux souverains n’a pu préserver la France des maux qui ont été la suite de l’abandon du système vraiment libéral que nous commande notre situation au centre de l’Europe, et nos rapports si divers avec les puissances. La France recueille déjà le fruit de ce retour qu’elle a fait aux principes qui doivent sans cesse la diriger. Des troubles partiels, des troubles qui ne sont encore, à vrai dire, que des mésintelligences, ont éclaté tout autour de nous ; eh bien ! il n’est pas un cabinet, quelque défavorable qu’il soit au nôtre, qui nous accuse de les fomenter. Il y a peu d’années que les différends survenus entre l’administration prussienne et les populations catholiques du Rhin, que les aigres dissentimens de la Bavière et de la Prusse, que la fermentation de l’université du pays de Hanovre, que tout ce qui se passe enfin depuis l’extrémité de l’Italie jusqu’à l’extrémité de l’Allemagne, depuis le détroit de Messine jusqu’à l’Elbe et au Weser, eût été regardé comme notre ouvrage. La sainte-alliance eût resserré ses rangs et se fût hâtée de rapprocher ses troupes de nos frontières, tandis qu’aujourd’hui nos rapports avec les gouvernemens étrangers sont restés les mêmes. La Prusse porte toute son attention sur les bords du Rhin, sans jeter un regard inquiet au-delà, pour s’assurer si nous restons dans les termes d’une alliance fidèle ; et l’Angleterre s’occupe de pacifier le Canada, où éclate une insurrection