ment. Mais arrivés au niveau de la hauteur du mur, ils ont cessé de grandir, et ont étendu leurs branches horizontalement, comme des pommiers en plein vent. Ces arbres rabougris, qui forment des masses rondes et disgracieuses, sont cependant un objet de profonde admiration pour les pauvres Shetlandais. Il n’est pas un habitant de Mainland, d’Yell ou même de Unst, la plus septentrionale de ces îles, l’ultima Thule de l’archipel shetlandais, qui n’ait fait un pèlerinage à Busta pour voir les arbres d’Écosse. On s’y rend par curiosité, par partie de plaisir ; et quand un père veut récompenser son enfant et lui faire une promesse qui ne peut manquer de le combler de joie, il lui dit : — Je te mènerai voir les arbres de Busta ! Il faut vraiment que ces arbres soient une merveille pour les habitans de Mainland et des îles voisines ; car la première question qu’ils adressent à l’étranger qui les visite, c’est inévitablement celle-ci : — Avez-vous vu les arbres de Busta ? Si l’étranger a vu ces arbres, ils le félicitent de n’avoir pas négligé un objet si curieux ; si l’étranger ne les a pas encore vus : — Allez-y donc, s’écrient-ils, allez-y bientôt, car si vous quittiez Mainland sans voir les arbres de Busta, vous n’auriez rien vu !
Une autre singularité de Mainland (la principale terre des Shetland, comme son nom l’indique), c’est l’absence de routes. Il n’y a guère plus de routes dans l’île qu’il n’y a d’arbres. S’il n’existait pas un bout de chemin qui part de Lerwich, la capitale du pays, et qui s’étend du côté de l’ouest, l’espace d’un mille environ, jusqu’à ce qu’il se perde au milieu d’une plaine marécageuse, on ignorerait dans Mainland ce que c’est qu’une route frayée. Encore, à quelques centaines de pas de la ville, ce chemin de Lerwich est-il en lutte perpétuelle avec l’herbe, les joncs et les mousses, qui lui disputent le terrain qu’il occupe, et qui finissent par s’en emparer. On voit que les Shetlandais sont loin encore des chemins de fer ; je doute fort, du reste, que jamais embranchement de rail-way aille les trouver dans Mainland, dût-il même conduire de Lerwich aux arbres de Busta.
Il y a quelques années, un paysan de l’île d’Yell, voisine de Mainland, fit le voyage d’Édimbourg, à bord du paquebot. Quand il arriva dans cette grande ville, l’objet qui excita le plus sa surprise, après les arbres des Meadows et des squares, ce fut le pavé des rues et des trottoirs. On eut toutes les peines du monde à lui faire comprendre que ces pierres avaient été placées là à dessein. – À Édimbourg on bâtit donc un chemin comme ailleurs on bâtit une maison ? s’écriait-il avec étonnement ; — puis, donnant cours à sa naïve incrédulité : — Non, ajoutait-il, non, jamais je ne croirai que des hommes