être avec avantage de ce qui s’appelait l’honneur chevaleresque. Mais en attendant, ce moment est triste, l’enthousiasme est rare, s’il ne manque pas tout-à-fait. De là résulte une grande défaillance dans beaucoup d’ames, de douloureuses langueurs, une certaine inertie dans la vie morale, et une lacune funeste dans l’inspiration poétique. Si Dante revenait à la lumière, il est à craindre qu’il ne nous plaçât dans l’enfer des tièdes ; mais cet état des ames, que je souhaite avoir exagéré, ne peut durer long temps. L’homme ne saurait vivre courbé sur sa tâche comme un forçat enchaîné à son labeur, sans que rien l’élève et le soutienne au-dessus de la vie commune. Ayons donc confiance, l’enthousiasme et la poésie renaîtront, ou le genre humain mourra ; et le genre humain ne mourra pas.
Mais qui nous rendra la poésie ? Quel enthousiasme nouveau remplacera cette forme évanouie de l’enthousiasme de nos pères ? Quelle sera la chevalerie de l’avenir ? Quelle institution viendra relever cette société qui languit et qui voudrait vivre, qui est fatiguée de ce qu’elle connaît et tourmentée de ce qu’elle attend ? Où trouver cette puissance de dévouement que la chevalerie a excitée durant des siècles ? Où est le principe qui doit nous régénérer ? On ne le sait ; on s’interroge, on cherche avec un mélange d’inquiétude et d’espoir, de confiance et de découragement ; on regarde à l’horizon, on se demande d’où partira ce souffle vivifiant qui retrempera les ames. Oh ! qu’il vienne enfin ce souffle, du Nord ou du Midi, de l’Orient ou de l’Occident, qu’il descende sur nous, qu’il ranime le monde !