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LA DERNIÈRE ALDINI.

moi, que mon intention n’avait jamais été de séduire, d’enlever, ni d’épouser Mlle Aldini, et que ma ferme résolution était de m’éloigner d’elle sur-le-champ et pour toujours, à moins que je ne fusse forcé par l’honneur à l’épouser en réparation du tort qu’elle venait de se faire à cause de moi. Je voulais que Nasi en fût juge. — Mais avant de vous raconter toute cette histoire, lui dis-je, il faut songer au plus pressé, et nous arranger de manière à compromettre le moins possible notre jeune hôtesse. Je dois vous confier un fait qu’elle ignore, c’est que sa mère sera ici demain soir. Je vais établir un homme de planton au prochain relai, afin qu’au lieu d’aller chercher sa fille à la villa Grimani, elle vienne ici directement la prendre. Dès que j’aurai remis la signora Alezia entre les mains de sa mère, j’espère que tout s’arrangera ; mais, jusque-là, quelle explication vais-je lui donner de l’extrême réserve dans laquelle je veux me renfermer envers elle ?

— Le mieux, dit Nasi, serait de la décider à sortir d’ici, et à retourner chez sa tante. Ou du moins à se retirer dans un couvent pendant vingt-quatre heures. Je vais essayer de lui faire comprendre que sa position ici n’est pas tenable.

Il alla trouver Alezia. Mais toutes ses bonnes raisons furent inutiles. Checca, fidèle à ses habitudes de jactance, avait dit à Alezia qu’elle était la maîtresse de Nasi, que le comte s’était détaché d’elle après une querelle, et qu’alors il avait pu demander Alezia en mariage ; mais que guéri par son refus, et ramené par un invincible amour aux pieds de sa maîtresse, il était prêt à l’épouser. Alezia se croyait donc très convenablement chez Nasi, elle était charmée de le voir prendre, comme elle, le parti de se livrer au penchant de son cœur et de rompre avec l’opinion. Elle se promettait de trouver dans ce couple heureux une société pour toute sa vie et une amitié à toute épreuve. En quittant la maison de Nasi, elle craignait mes scrupules, et les efforts de sa famille pour la réconcilier avec le monde. Elle voulait donc obstinément se perdre, et elle finit par déclarer à Nasi qu’elle ne sortirait de chez lui que contrainte par la force.

— En ce cas, signora, lui dit le comte, vous me permettrez d’agir de mon côté comme l’honneur me l’ordonne. Je suis votre frère, vous l’avez voulu. J’ai accepté ce rôle avec reconnaissance et soumission, et j’ai déjà fait acte de protection fraternelle en éloignant de vous les insolentes réclamations du comte Hector. Je continuerai d’agir d’après le conseil de mon respect et mon dévouement ; mais si les droits d’un frère ne s’étendent pas jusqu’à commander à sa sœur, du moins ils