sur le rivage aux approches d’une tempête. D’autres, sortis de la place par les poternes et les issues cachées, cherchaient, par des essais d’attaque mal assurés et comme désespérant d’eux-mêmes, à faire diversion du côté de Kodiat-Aty, et à s’approcher du flanc gauche de la batterie de brèche, qui la veille se trouvait à découvert. Mais pendant la nuit on avait prolongé, de ce côté, la place d’armes, tâche exécutée, au grand péril des travailleurs, par des soldats du génie et des Zouaves. Sans doute, les défenseurs, sans se rendre compte de l’imminence du danger qui déjà planait sur eux, sentaient que le nœud des évènemens ne pouvait pas se serrer davantage, allait d’un instant à l’autre se rompre et éclater, et ils s’abandonnaient à cette activité incertaine et flottante, à cette exaspération s’épuisant sur elle-même, sans énergie efficace, sans conscience de résultats possibles, qui s’emparent des masses impuissantes à surmonter leur mauvaise fortune, et trop stupides, plutôt que trop fières, pour s’y soumettre.
Il était sept heures, tout était prêt ; le colonel Lamoricière et les premières compagnies des Zouaves se tenaient collés contre l’épaulement de la batterie de brèche, la tête de la colonne appuyée à l’ouverture qu’on avait ménagée dans le parapet. Le duc de Nemours, qui, dès l’origine, avait été nommé commandant du siége, donne, d’après l’ordre du général en chef, le signal de l’assaut. Aussitôt le colonel Lamoricière et des officiers du génie et de Zouaves, suivis de leurs troupes, sortent rapidement du retranchement avec une sorte d’impétuosité contenue et disciplinée, et se portent au pas de course jusqu’au pied de la brèche. En un instant, malgré la raideur de la pente et les éboulemens des terres et décombres qui manquaient et croulaient, à chaque mouvement, sous les pieds et les mains des assaillans, elle est escaladée, on pourrait dire plutôt à la faveur qu’en dépit des coups de fusil des assiégés ; car, dans certaines circonstances, le danger est une aide et non un obstacle. Bientôt le drapeau tricolore, que portait le capitaine Garderens, des Zouaves, est planté sur la crête de la brèche. Dès que les premières têtes des Français s’élançant de la batterie s’étaient montrées en dehors de l’épaulement, le couronnement des remparts avait comme pris feu ; une fusillade continue s’était allumée le long de cette ligne, et tout l’espace que nos soldats avaient à parcourir de la batterie à la brèche était incessamment sillonné de balles : bien peu d’hommes cependant furent atteints dans ce trajet. Le pied, la pente et une petite plate-forme au-dessus de la brèche étaient garantis, à droite, des feux de flanc, par un massif de maçonnerie antique, resté debout comme contrefort du rempart moderne, au-dessus duquel il se prolongeait à une assez grande hauteur ; c’était, entre deux périls, comme un petit port où les colonnes d’attaque pouvaient se reformer : l’effort, pour gravir le rude talus, s’accomplissait au moins sans d’autres difficultés que celle qu’opposait le terrain. On arrive au sommet de la brèche ; là, on trouve quelque chose de plus terrible, de plus sinistre que la présence de l’ennemi ; une énigme dévorante, toute prête à engloutir qui ne la devinerait pas ; ce sont des constructions incompréhensibles, des enfoncemens qui promettent des passages