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ne l’avaient été les canonniers de la première batterie. Quelques-uns se font tuer en combattant ; mais la plupart se dérobent par les faux-fuyans : ce fut la dernière résistance de front qu’eut à essuyer la colonne de droite. Après ce second succès, les sapeurs du génie et les soldats de différentes armes qui suivent cette veine, cheminent avec de grandes difficultés, perçant des pans de muraille, se créant avec la hache des communications plutôt qu’ils n’en trouvent, et recevant des coups de fusil sans pouvoir en rendre ; mais ils ne rencontrent plus l’ennemi pour leur barrer le chemin et les forcer à lui passer sur le corps. Ils venaient de parvenir à la première porte à droite de la brèche et s’apprêtaient à l’ouvrir quand les hostilités cessèrent.

C’est en face de la colonne du centre qu’étaient le nœud des difficultés et le principal foyer de la résistance et du péril : le colonel Lamoricière dirigeait plus spécialement cette attaque. On fut long-temps à s’agiter dans l’étroit espace que nos boulets avaient déblayé au haut de la brèche, sans comprendre quelle communication pouvait exister, sur ce point, entre le terre-plein du rempart et l’intérieur de la ville. Le canon avait créé un terrain factice de terres remuées et de décombres qui, se superposant au sol primitif, avait envahi les issues, obstrué les portes, et défiguré entièrement l’état des localités ; la direction des balles semblait indiquer que les toits étaient leurs points de départ. Le colonel Lamoricière fait aussitôt apporter des échelles, et, montant sur la toiture d’une maison dont nous occupions le pied, il dispose au-dessus des combats de terre ferme comme une couche supérieure de combats aériens. Le capitaine Sanzai, arrivant pour remplacer le colonel dans cette organisation, reçoit une balle mortelle. Après avoir sondé plusieurs couloirs qui paraissent des amorces de rues, mais qui n’aboutissent point, on finit par en rencontrer un qui, s’élargissant au bout de quelques pas, présente des caractères d’importance et de destination ultérieure. Des deux côtés sont pratiqués de ces enfoncemens carrés qui, dans les villes d’Afrique et d’Orient, servent de boutiques : la plupart sont à moitié fermés par des planches et des espèces de volets. On entre dans ce passage ; mais à peine quelques soldats y sont-ils engagés, qu’une double décharge, partant de ces niches de droite et de gauche, avertit qu’elles servent de lieux d’embuscade à l’ennemi. Mais celui-ci, qui avait cru arrêter par sa fusillade la marche des assaillans, les voyant arriver droit sur lui la baïonnette en avant, et n’ayant plus d’autre défense que son yatagan, depuis qu’il s’était dégarni de son feu, se précipite hors de ces trous sans issues qui, au lieu d’être des abris pour lui, devenaient des piéges. Plusieurs de ces fuyards sont tués ; d’autres échappent et disparaissent comme s’ils eussent pu s’enfoncer en terre ou percer les murs. On avance, et, après avoir fait quelques pas, on se trouve en face d’une porte ; une arche de maçonnerie traversait la ruelle, et de solides battans en bois ferré en fermaient le passage. Rien n’avait fait soupçonner l’existence de cet obstacle, dont on s’explique difficilement le but ; il paraît qu’une ligne continue de maisons, régnant le long et en dedans de la muraille, était considérée comme une seconde enceinte qui, par cette porte, se mettait en rapport avec