Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/705

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
701
ORIGINES DU THÉÂTRE.

igné, etc. Quelques-uns de ces symboles offraient une prescription de chasteté[1]. Tel était celui de la pomme et de la grenade, auxquelles il était défendu aux mystes de toucher[2].

Les divers symboles étaient montrés et éclairés par un des ministres, le dadouque ou porte-flambeau ; les rapports mystiques étaient exposés simplement et brièvement par le mystagogue ou hiérophante. Plutarque fait dire à Cléombrote : « Je l’ai entendu parler sur ces objets avec simplicité, comme on fait dans l’initiation, ne donnant aucune preuve de ce qu’il avançait, ni aucun motif pour le faire croire[3].

On sait encore que l’hiérophante communiquait aux époptes d’anciens livres sacrés[4], composés pour le secret des temples. À Phénée en Arcadie, dont les mystères relevaient de ceux d’Éleusis, ces livres étaient conservés entre deux pierres nommées pétroma. On ne lisait ces vénérables reliques des premiers âges que pendant la nuit[5].

M. de Sainte-Croix a beaucoup parlé des cérémonies dramatiques qui, dans la célébration des grands mystères, exposaient l’histoire de Cérès, de Pluton et de Proserpine ; mais comme ce drame, accompagné de chants et de danses, était exécuté par les mystes eux-mêmes, en partie dans le temple d’Éleusis, en partie dans la prairie voisine, et même tout le long de la voie Sacrée, ces sortes de commémorations ne me paraissent pas appartenir à ce que j’appelle le drame sacerdotal. Je crois devoir plutôt les ranger parmi les pieux divertissemens que le sacerdoce permettait au peuple, et dans lesquels il lui cédait, bon gré mal gré, le rôle agissant. Les aventures de Cérès et de Proserpine, représentées sur la route et sur tous les points du territoire d’Éleusis, relevaient plutôt de la dévotion populaire qu’elles n’appartenaient au culte mystique.

Mais si l’époptée primitive fut à peu près pure à Éleusis de commémorations dramatiques, cette sévérité de rites ne fut pas de longue durée. Quand Mélampe eut apporté d’Égypte en Grèce le culte de Bacchus, copié sur celui d’Osiris ; quand ce culte eut été reçu à Thèbes, et que Pégase d’Éleuthères eut établi à Athènes, dans l’hiéron de Bacchus-aux-Marais[6], les mystères dionysiaques, le sacerdoce d’Éleusis, qui tendait à se constituer le dépositaire et le centre commun de toute la mysticité hellénique, attira à soi ces nouveaux mystères essentiellement dramatiques, et les joignit, sous le nom d’Iacchus, à ceux des déesses.

Aux cinq jours que duraient d’abord les Éleusinies, on ajouta quatre jours complémentaires. Le premier, les initiés de Bacchus venaient se joindre en

  1. M. Eméric David, Jupiter, introd., pag. CCLXIII.
  2. Porph., De abstin., lib. iv, § 16, pag. 353. — Hieron., Adv. Jovin., tom. IV, part. II, pag. 206. — Cette défense rappelle involontairement le second chapitre de la Genèse.
  3. Plutarch., De oracul. defectu, pag. 422, C.
  4. Galen., lib. vii, tom. II, pag. 86, ed. Basil.
  5. Pausan., Arcad., cap. XV, § I.
  6. Un hiéron n’était pas seulement un temple, c’était aussi l’enceinte et le territoire appartenant à ce temple, et consistant en bois, prairies, etc. Un hiéron était à beaucoup d’égards une abbaye païenne.