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ROMANCIERS MODERNES DE LA FRANCE.

teur et les lecteurs de vouloir bien descendre en eux-mêmes et se demander à quelles conditions un récit quelconque leur paraît doué de vie : je m’assure qu’après quelques minutes de réflexion ils arriveraient a la conclusion que j’énonce.

Après ces réserves, nous pouvons sans danger employer le langage ordinaire. Donc, dans la première partie, nous voyons Latréaumont chez Van den Enden. Le contraste de ces deux figures est heureusement marqué. Peut-être cependant eût-il mieux valu dessiner plus sobrement la famille Van den Enden. Quoique la femme et la fille du savant hollandais reparaissent dans le second volume, il n’était pas nécessaire d’insister sur le caractère de Clara Van den Enden, ni de nous la montrer suppléant son père dans l’enseignement de la politique. Tous ces détails absorbent sans profit l’attention du lecteur et le tiennent sur le qui vive. En voyant se dessiner toute la famille de Van den Enden, l’esprit se demande naturellement si le drame promis va se concentrer dans cette famille. Quant à Latréaumont, il dépasse les limites de l’insolence permise au plus hardi vaurien ; il traite Van den Enden avec une grossièreté qui devrait lui fermer la porte de son hôte ; il professe et déduit la théorie de sa fainéantise, de sa gloutonnerie, de sa prodigalité, avec un cynisme révoltant. Ce que Latréaumont dit de lui-même, l’auteur pourrait le dire. Mais un tel personnage, qui s’explique si franchement, s’expose à de nombreuses mésaventures et ne peut duper personne.

La seconde partie de l’exposition se passe à Fontainebleau. Le chevalier Louis de Rohan paraît enfin sur la scène ; mais ce nouveau personnage, sans qui l’action tout entière du livre deviendrait impossible, ne pressent pas le rôle qui lui est réservé, et le lecteur, en le voyant agir, demeure dans la même ignorance. Aussi cette seconde partie n’est guère plus utile que la première. Nous voyons s’ouvrir devant nous l’intérieur de la cour. Nos yeux se promènent de la marquise de Montespan à la duchesse de La Vallière, de Mme de Navailles à M. de Villarceaux ; mais rien ne présage la tragédie qui doit éclater cinq ans plus tard. Les acteurs de Fontainebleau ont l’air de poser devant nous dans l’unique dessein de nous initier aux misères et aux souffrances de la grandeur. Ils continuent leur vie habituelle, mais ne tendent vers aucun but déterminé. Plus tard, il est vrai, le souvenir des paroles échangées à Fontainebleau expliquera clairement la conduite de Louis de Rohan ; mais jusqu’au moment où le grand veneur se décide à la trahison, toute cette seconde partie demeure obscure et inutile.

La troisième partie, qui se passe à Eudreville, en Normandie, a le