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parts à l’exécution des chemins de fer, et que nous devons réserver à la navigation la majeure partie des fonds que nous pouvons actuellement consacrer aux travaux publics ?

Encore un coup, il faudra que la France ait des chemins de fer, et il faut que, dès à présent, elle se prépare à jouir un jour de tous les avantages qu’ils promettent en les commençant sans retard. Les chemins de fer, comme le disait, l’an dernier, M. Legrand, à la tribune nationale, sont les grandes routes de la civilisation. C’est à eux qu’il sera donné de la répandre sous la forme la plus vivante, et, partout où il s’agit de la civilisation, la France a une grande mission à remplir. Cependant, sans perdre de vue le rôle qui nous est réservé dans l’œuvre générale de la civilisation, sans méconnaître nos devoirs envers les autres peuples et la facilité que nous procurerait pour les remplir l’établissement d’un réseau de chemins de fer, songeons que nous avons aussi des devoirs sacrés envers nous-mêmes ; qu’avant d’aller civiliser nos voisins, nous avons à assurer les bases matérielles de notre propre civilisation. Nous avons dépensé des sommes énormes pour la navigation de notre territoire, qui doit être la plus lucrative des entreprises ; au lieu de la négliger désormais pour consacrer toutes nos ressources financières et toute notre ardeur à d’autres objets plus attrayans par leur nouveauté et par leur portée politique, faisons un effort sur nous-mêmes, contenons un moment encore notre passion pour les innovations, et donnons un spectacle inconnu jusqu’ici dans les Gaules : sachons finir ce que nous avons entamé.

Jusqu’à présent l’on a dit avec raison que nous étions admirables au début de toutes choses, mais que nous n’étions bons qu’à commencer. Il semble, depuis 1830, que notre caractère national veuille s’enrichir d’une qualité nouvelle, que nous acquérions l’esprit de suite, que nous nous fassions persévérans. Dans l’ordre moral et politique, au lieu de nous jeter, encore une fois, tête baissée dans l’aventureuse carrière des expériences et de la propagande armée, nous nous sommes appliqués à clore chez nous l’abîme des révolutions et à cicatriser les plaies de nos querelles avec l’Europe et avec nous-mêmes. Dans l’ordre matériel, nous avons poussé à leur terme, ou restauré, d’une main ferme et soigneuse, les monumens des temps antérieurs. Les palais et les arcs-de-triomphe de l’ancienne monarchie et de l’empire, délivrés enfin de leurs ignobles clôtures de planches et de décombres, s’achèvent, chose inouïe ! Ce que nous avons fait pour les beaux-arts, trouvons en nous la force de l’accomplir pour les arts utiles. Il est beau d’avoir réparé Fontainebleau, d’avoir re-