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trous pour laisser passer les nerfs des organes des sens ; enfin qu’ils reproduisent tous, dans leurs parties spéciales et respectives, la disposition de la vertèbre, laquelle, comme eux, contient une masse nerveuse et donne passage à des nerfs.

La seconde question, à savoir quelle est la nature, quelle est la loi de cette communauté qui existe entre les animaux, est plus importante et plus ardue. Passons en revue les diverses opinions.

Goëthe admet un type sur lequel tous les animaux sont modelés et dont les formes animales ne sont que des particularités. « L’observation nous apprend, dit-il, quelles sont les parties communes à tous les animaux, et en quoi ces parties différent entre elles ; l’esprit doit embrasser cet ensemble et en déduire par abstraction un type général dont la création lui appartienne. » Et ailleurs : « Concluons que l’universalité, la constance, le développement, l’unité de la métamorphose simultanée, permettent l’établissement d’un type ; mais la versatilité ou plutôt l’élasticité de ce type dans lequel la nature peut se jouer à son aise, sous la condition de conserver à chaque partie son caractère propre, explique l’existence de tous les genres et de toutes les espèces d’animaux que nous connaissons. » Et dans un troisième passage : « La construction d’un type suppose nécessairement que la nature est conséquente avec elle-même, et que, dans les cas particuliers, elle procède suivant certaines règles préétablies. Cette vérité est incontestable, car un coup d’œil rapide, jeté sur le règne animal, nous a convaincu qu’il existe un dessin primitif qu’on retrouve dans toutes ces formes si diverses. »

Je ne puis adopter cette opinion de Goëthe, ni comprendre l’existence d’un pareil type. Ce type que nous devons créer, suivant lui, dans notre esprit, comment donc doit-il être conçu ? Est-ce une forme assez générale pour renfermer toutes les formes animales qui existent ? Mais alors ce n’est plus qu’un bloc de marbre dont l’artiste tire à son gré la forme qu’il lui plaît ; et ce bloc ne présente plus rien d’assez déterminé pour qu’on y voie un type, et qu’une telle image puisse servir en rien à la science. Ce type est-il au contraire un assemblage, sur une seule forme, de toutes les formes possibles ? Il sera bien vrai de dire que c’est là une conception de l’esprit, mais non que c’est une conception de la nature. Ce type ressemblerait à ces dieux multiformes que l’on voit figurés dans des temples anciens ; et peut-être même de pareilles idées, au moins instinctivement, n’ont elles pas été étrangères à la création de ces divinités bizarres que des mythologies anciennes s’étaient complu à présenter à l’adoration.