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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/142

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REVUE DES DEUX MONDES.

bonne et à Wetzlar, des jurisconsultes et des publicistes, secouant la poussière des chartes et s’efforçant de concilier le droit catholique de la bulle d’or avec les principes consacrés à Osnabruck après Maurice et Gustave-Adolphe, pendant que le siècle, dans son cours rapide, emportait également tous ces souvenirs : chaos sans grandeur, mosaïque sans harmonie, où s’éteignait la plus grande des passions de l’homme, le patriotisme, sous la plus petite, la vanité héraldique ; puissance sans autorité par elle-même, mais qui assez long-temps avait agi sur les peuples pour leur ôter la force de la briser.

La révolution française eut à peine touché l’édifice qu’il s’entr’ouvrit et croula. Les victoires de la république et du consulat, l’influence de la Prusse, fidèle à son rôle de novatrice et à son œuvre ambitieuse, l’impuissance misérable de ces souverainetés hybrides, où la couronne compromettait la mitre, amenèrent l’Autriche à sanctionner, à Lunéville, le principe des sécularisations. À Presbourg, la prépondérance française fut fondée d’une manière très exagérée sans doute ; mais ces abus de la victoire paraissent au moins compensés, dans l’intérêt de la civilisation germanique, par l’indépendance des états méridionaux, qui pèsent déjà d’un si grand poids sur les destinées de ce pays : alors fut largement appliqué ce principe de médiatisation, avec lequel disparurent les derniers vestiges du Saint-Empire, dont le nom même s’abîma dans cet immense naufrage.

Après avoir jeté son code à l’Allemagne comme à l’Italie, après y avoir fait germer de toutes parts des idées d’égalité civile, il était réservé à la France de préparer ces peuples à la liberté, en réveillant au milieu d’eux l’idée de l’indépendance et de l’unité nationales. La Prusse, anéantie à Tilsitt ; l’Autriche, abaissée à Vienne, au point de consommer le sacrifice le plus sensible à son orgueil, essayèrent le prestige d’idées nouvelles, et parlèrent une langue jusqu’alors inentendue. Cette langue fut comprise, et, du Rhin à la Mémel, l’on courut mourir en chantant des hymnes que, pour la première fois, la patrie répétait en chœur. Foulée sous le talon d’un conquérant, la Germanie se releva, savamment orgueilleuse de son passé, humiliée de son présent, et comme illuminée de l’avenir. Les plus hardies espérances du xixe siècle se mêlèrent aux traditions les plus confuses de l’histoire : toutes les convictions s’accordèrent, toutes les écoles se donnèrent la main, et la nation fut soulevée par tous les leviers à la fois.

Les gouvernemens considérèrent le but de la grande croisade comme atteint, lorsque la prise de Paris les eut vengés des humiliations de Berlin et de Vienne, et que le rocher de Sainte-Hélène eut reçu le Titan qui avait escaladé les mystérieuses hauteurs de la royauté. L’opinion n’en jugea point ainsi au-delà du Rhin : des promesses avaient été faites, il fallait penser à les tenir. Toutefois les intérêts nouveaux n’étaient pas assez développés pour se produire d’une manière unanime et précise, et peut-être y avait-il alors autant de ménagemens à garder avec les droits à restreindre qu’avec les droits à consacrer. Aussi des expressions équivoques furent-elles introduites dans la rédaction officielle des actes destinés à ouvrir une ère nouvelle au droit public