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DU RÉSEAU DES CHEMINS DE FER.

avec leurs diligences embourbées, l’importante condition de la rapidité des voyages, et qui, mieux que les ruineux rail-ways de la Grande-Bretagne, satisferait à la clause du bas prix des places, clause plus importante encore que celle d’une vitesse aérienne pour les dix-neuf vingtièmes de nos compatriotes qui sont pauvres, et dont il faut pourtant que nous nous habituions à tenir compte désormais dans toute entreprise nationale.

En menant de front la création de lignes praticables pour les bateaux à vapeur, ou l’amélioration de celles sur lesquelles déjà ces bateaux circulent, et l’établissement de quelques chemins de fer, on pourrait constituer en peu d’années un système provisoire de communications accélérées et économiques, dont toutes les parties, sans exception, malgré le caractère transitoire de l’ensemble, rentreraient sans modification dans le système général et définitif des communications et de la viabilité du pays, et qui plus tard serait converti en un réseau complet de chemins de fer non-interrompus. Ce serait, en un mot, un premier acte qui ne diminuerait pas notre désir d’arriver au dénouement, mais qui, nous permettant de l’entrevoir et nous en faisant jouir à moitié en réalité et pleinement en espérance, grâce aux inépuisables ressources de l’imagination française, modérerait notre élan et nous déterminerait à prendre patience.

Pour la réalisation de ce mezzo termine, la nature elle-même a beaucoup fait par l’admirable disposition de nos fleuves. Si, en effet, l’on prenait une à une les grandes lignes de chemins de fer, on verrait que nos grandes artères de navigation peuvent être avantageusement employées pour suppléer à la moitié du réseau, de telle sorte que provisoirement, pour accroître dans une proportion énorme la facilité des communications d’un bout à l’autre du pays, il suffirait d’améliorer nos fleuves, ce à quoi tout le monde est décidé, et de relier par des chemins de fer les points à partir desquels les fleuves sont ou peuvent devenir navigables pour de beaux bateaux à vapeur à grande vitesse, c’est-à-dire parcourant au moins 4 lieues à l’heure, en eau morte. Ainsi, provisoirement, les chemins de fer s’arrêteraient là où commenceraient les bateaux à vapeur. Les bateaux à vapeur fournissent, on ne saurait trop le répéter, le moyen de voyager très vite ; sous le rapport du bon marché, de l’agrément et de la commodité, ils dépassent les chemins de fer. Déjà nous les voyons se multiplier, malgré le mauvais état de nos fleuves, sur la Saône et le Rhône, sur la Seine, la Garonne et la Loire, sur notre littoral de l’Océan et sur la Méditerranée. Là où la communication par bateaux à vapeur