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HISTOIRE POLITIQUE DES COURS DE L’EUROPE.

des douaniers français appuyés d’un corps de troupes de dix-huit mille hommes, dont six mille Français et douze mille Hollandais. Ainsi, ce traité plaçait sous la surveillance de nos douaniers les côtes et les ports de la Hollande, et sous notre domination directe, la partie de son territoire où affluaient en plus grand nombre les produits anglais.

Une autre tentative fut encore essayée pour sauver la Hollande. L’empereur consentit à ce que le gouvernement de ce pays ouvrît avec la cour de Londres une négociation, dans le but d’en obtenir une modification à ses ordres du conseil. M. Labouchère, riche négociant d’Amsterdam, fut chargé de cette délicate mission. Il arriva le 6 février à Londres, et le 7, il entra en conférence avec le marquis de Wellesley. Les instructions de son gouvernement, instructions dictées sous l’influence de l’empereur, l’autorisèrent à laisser pressentir au cabinet de Saint-James, que s’il refusait obstinément de modifier les ordres du conseil, la réunion de la Hollande à la France en deviendrait l’inévitable conséquence. Le 11, le ministre anglais lui envoya la réponse de son gouvernement. C’était un refus positif d’entamer aucune négociation sur une semblable base. Ainsi l’Angleterre rivalisait d’audace et de fierté avec son terrible ennemi ; c’en était fait dans sa pensée ; le gant était jeté ; dût la Hollande être réunie au grand empire, elle ne renonçait à aucune de ses prétentions.

Le traité du 16 mars était une transaction violente, et peut-être impraticable, entre les exigences impérieuses de la politique française et la situation où se trouvait la Hollande. Le roi Louis en agit encore alors avec une faiblesse qui semblait trahir une perfide duplicité. Son devoir était de refuser sa sanction au traité, s’il le trouvait ignominieux et inexécutable, ou, l’ayant une fois signé, de l’accepter loyalement avec toutes ses exigences. Il signa l’acte à Paris, et une fois de retour en Hollande, il ne tenta pas même de le mettre à exécution : il ne parut occupé que des moyens de s’y soustraire. De son côté, l’empereur irrité ne garda plus de mesures. Au lieu de se tenir dans la limite du traité en n’envoyant que six mille hommes sur le territoire hollandais, il en fit entrer vingt mille sous le commandement d’Oudinot. Le 29 juin, ce maréchal manifesta la résolution d’entrer dans Amsterdam. Au milieu de cette crise croissante de difficultés et de périls, le roi eut un moment la pensée sérieuse de défendre sa capitale, et de recourir au moyen extrême de l’inondation ; mais il rencontra dans ses ministres et ses généraux une résistance opiniâtre. Les Hollandais d’aujourd’hui n’étaient plus ces fiers républicains qui humilièrent l’orgueil de Louis XIV, et le mirent à deux doigts de sa perte. Brisé par la violence des évènemens, le faible Louis résolut d’abandonner un trône où il accusait son frère de ne l’avoir placé que pour en faire le douanier en chef de son peuple ; il abdiqua, et s’enfuit comme un esclave qui a brisé sa chaîne, après avoir confié la régence à la reine ; il se rendit à Tœplitz. Cette conduite affligea profondément l’empereur, et lui arracha ces paroles pleines de douleur et d’amertume : « Concevez-vous, s’écria-t-il, une malveillance aussi noire du frère qui me doit le plus ? quand