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REVUE. — CHRONIQUE.

passée sans qu’on entendît parler des discordes ministérielles. Les membres de la coalition qui s’entendent si bien, à condition d’être hors des affaires, et de n’avoir entre eux aucune discussion sérieuse, ont-ils donné un pareil exemple à la France, et ne sont-ils pas déjà divisés sur le petit nombre de questions qu’ils ont à traiter ensemble ? Sans doute on s’efforce de jeter un voile sur ces dissentimens ; mais ne sait-on pas que M. Thiers et M. Odilon Barrot sont loin de s’entendre sur la question des chemins de fer, et que le rapport de M. Arago, tout brillant qu’il sera sans doute, ne couvrira pas ce défaut d’unité qui se produira sans doute dans la discussion.

Quant à la question des rentes, les uns approuvent la conservation de l’amortissement, les autres le trouvent incompatible avec la mesure. Le ministère, qui est loin de s’opposer à la conversion, et qui a une trop haute opinion des ressources de la France, pour ne pas la croire en état de supporter une si grave opération, même en temps inopportun, fera ce qu’il a fait jusqu’à présent. Il cherchera de bonne foi à se mettre d’accord avec la chambre, sans abandonner ce qu’il regarde comme les véritables intérêts du pays, et nous croyons qu’il y réussira. Dans la discussion des armes spéciales, la chambre a prouvé qu’elle comprend toute l’importance de sa responsabilité, et que ni la crainte d’une dépense, ni l’appât d’une économie hâtive, ne la feront passer outre, quand elle pourra entrevoir que sa décision pourrait causer des embarras au pays. Le ministère dira ses raisons, et la chambre s’en fera juge. Heureusement, tous les députés n’ont pas, comme M. Mauguin, la prétention de mieux connaître la situation de l’Europe que le ministre des affaires étrangères, et n’ont pas, ainsi que cet honorable avocat, la poche pleine de documens inexacts, de chiffres faux et de protocoles apocryphes. Nous savons que le ministère se propose de demander lui-même la fixation d’une époque pour la réduction de la rente. Quant à ses conditions et à ses vues à cet égard, nous ne saurions les dire, mais il y a lieu de croire que des propositions de la commission, de celles du ministère, et d’un autre projet élaboré, dit-on, par un ancien ministre, il pourrait bien sortir quelque loi, née de la discussion, et due à tout le monde, comme grand nombre de ces lois de 1833 et de 1834, que nous citions tout à l’heure, sans les donner comme de grands échecs essuyés par les précédens ministères.

Revenant aux projets de lois des chemins de fer et des canaux que deux commissions de la chambre proposent tout simplement d’anéantir, ou qu’elles condamnent à un ajournement indéfini, nous espérons que la chambre en appellera à elle-même de ce jugement. Comme fit autrefois le ministère près de la commission du budget pour 1835, le ministère actuel a proposé des transactions à la commission des chemins de fer ; mais il a trouvé MM. Thiers, Guizot, Jaubert et Arago, moins faciles encore que ne le furent, en 1834, MM. Odilon Barrot, Salverte, Baude, Auguis, etc. La commission a conclu au rejet. Il restera donc au ministère à proposer ses modifications à la chambre. La concession de deux grandes lignes à l’état, et le reste aux compagnies particulières, telle serait, selon nous, la meilleure transaction. Mais nous pensons que la chambre modifiera une partie du plan ministériel tout-à-fait