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sion, de la loi des chemins de fer, du rejet de la commission des bâtimens publics, aux difficultés des lois d’apanage, du jury, aux terreurs que causaient les attentats contre la personne royale, et à tous les résultats de l’influence de M. Guizot et de sa politique rigoureuse dans les conseils du 6 septembre !

Quant aux résultats matériels du présent ministère, nous demandons pardon à M. Guizot de ces prosaïques et vulgaires détails, ils consistent dans une augmentation de recettes pour le premier trimestre de 1838, de 3,971,000 fr. sur celui de 1837, et de 2,144,000 fr. sur celui de 1836. Ainsi la prospérité publique s’élèverait à mesure que s’abaisseraient l’esprit, la vie et la moralité politique du pays. Rendons grâce à Dieu de ce que tous les malheurs ne nous viennent pas à la fois !

Mais comme l’embarras de la situation se fait sentir à chaque passage de ce singulier écrit de M. Guizot, au lieu de conclure en poussant ses amis à renverser cette fatale administration qui fait le malheur de la France, il les engage à se modérer, à ne point faire d’opposition générale, permanente et confondue avec l’opposition, ce qui n’est pas clair ; « point de guerre de chicane, point de refus des moyens nécessaires à la vie du gouvernement. » Il est vrai que les amis de M. Guizot en feront ce qu’ils voudront, et qu’il ne les croit pas très disposés à suivre ses avis ; il se pourrait même qu’ils poussassent l’esprit d’indiscipline jusqu’à tâcher d’entraver encore plus les affaires qu’ils ne le font, si c’est possible, pour faire M. Guizot ministre malgré lui, et l’élever à la hauteur de ses paroles. M. Guizot veut, en outre, que l’opposition ne s’écarte pas du rôle de parti gouvernemental ; il veut régénérer ce parti et lui trace ses règles. Elles consistent dans le désintéressement, dans la nécessité de faire infiniment petite la part de l’homme, de son intérêt et de son ambition personnelle, dans la fidélité aux personnes, dans la froideur et le calme. Nous désirons que la coalition se reconnaisse dans ce portrait, ou qu’elle s’applique à lui ressembler ; alors, à notre tour, nous désirerons son entrée aux affaires.

Enfin, et pour couronner cette œuvre, qui semble d’un bout à l’autre le monologue d’un homme placé dans une situation perplexe, qui n’ose pas dire ce qu’il veut, ni exécuter ce qu’il propose, M. Guizot admet une formation d’un cabinet de droite, ou de gauche, ou même de gauche et de droite, à volonté. Tout lui est bon, tout lui convient, hormis le cabinet actuel ! Et cependant il exhorte ses amis à ne pas le renverser !

M. Guizot a été ministre trois fois ; il a siégé cinq ans dans les conseils du roi ; il est resté un des hommes les plus éminens de la chambre, et c’est pour écrire avec tant de fiel, c’est pour amasser des contradictions si choquantes, qu’il a repris sa plume de journaliste, à l’aide de laquelle il s’est élevé si haut ! De quel droit M. Guizot viendra-t-il désormais reprocher à la presse sa licence, tonner à la tribune contre les boute-feu et les mauvaises passions de la révolution, lui qui n’a pas hésité à exhaler sa froide passion, à se livrer à une colère compassée, sans avoir pour se justifier le spectacle des pas-