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impartialement considérés. Si nous venons un peu tard pour pouvoir approfondir dans tous leurs détails les publications déjà nombreuses de la Collection, nous tâcherons, une fois quitte envers ce passé, de ne plus laisser s’accumuler ainsi les volumes, et de les examiner dorénavant, dans les limites de notre jugement, à mesure qu’ils seront livrés à la publicité. Des opinions précédemment exprimées dans cette Revue, et qu’il serait aussi inutile de répéter qu’inconvenant de contredire, nous dispensent d’ailleurs de parler de plusieurs des travaux de la Collection. Ainsi les Négociations relatives à la succession d’Espagne, sous Louis XIV, éditées par M. Mignet, ont donné lieu à un long travail de M. Louis de Carné. Les Ouvrages inédits d’Abélard, publiés par M. Victor Cousin, ont aussi été l’objet d’une appréciation. Les volumes de M. Mignet, et la remarquable, quoique un peu systématique préface qui les précède, ont jeté un jour nouveau sur quelques points d’une question importante, sur des relations diplomatiques imparfaitement connues, et c’est là un utile complément des recueils de Rymer et de Dumont. Les fragmens d’Abélard, que je regrette de ne pouvoir examiner avec l’attention que réclamerait un nom aussi populaire que celui de l’adversaire de saint Bernard, n’ont peut-être point, par leur publication, pris dans l’histoire de la scholastique la place qu’on aurait été assez disposé à leur accorder d’avance, sur la réputation de l’auteur ; mais ils complètent au moins l’édition des œuvres publiées en 1616, et de plus ils ont donné lieu à l’un des plus éminens morceaux qui soit sorti de la plume de M. Cousin. Je me résignerai aussi, mais plus volontiers, à ne pas parler des Documens relatifs à la guerre de la succession d’Espagne, publiés par M. le lieutenant-général Pelet. Ces volumes, accompagnés de cartes et de plans très bien gravés, mais dispendieux hors de toute mesure, sont tout-à-fait spéciaux, et, par malheur, sans grande importance dans leur spécialité même ; car ces détails stratégiques des armées de Louis XIV n’étaient pas assez anciens pour avoir une valeur historique, et étaient trop vieux pour présenter une utilité militaire. Des pièces justificatives de Folard et de Montécuculli (si encore c’était de Végèce !), si volumineuses et si techniques, étaient très bien placées au dépôt du ministère de la guerre, et n’en devaient pas sortir pour prendre place dans une Collection exclusivement historique, d’après son titre comme d’après le vote même des chambres. Si Sterne vivait encore, il ferait peut-être lire ce recueil par l’oncle Tobie à son fidèle Trimm ; mais, comme il n’en est pas ainsi, je crains bien qu’il n’ait été lu d’un bout à l’autre que par l’éditeur et les protes. Quant à la critique, dépaysée qu’elle est par une terminologie qui ne lui est pas familière, elle ne peut que s’abstenir.

Les ouvrages dont nous avons à parler aujourd’hui restent donc au nombre de cinq. M. Bernier en a deux pour sa part, et les autres se rattachent aux noms inégalement célèbres de MM. Fauriel, Depping et Géraud. Quel ordre suivre dans cet examen ? Faut-il se résigner à la date des publications ou à la chronologie des sujets ? Je ne sais, et ce manque d’unité, de connexion et de suite n’est pas, nous le verrons, le défaut le moins grave qu’on puisse