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mesure. Le ministère était déjà dissous par la retraite du maréchal. M. Guizot n’hésita pas à se dévouer pour sauver le ministère et surtout son ministère de l’instruction publique. Il écrivit au maréchal Gérard, qu’il était prêt à adopter l’amnistie, et à la faire adopter à ses collègues, s’il voulait reprendre la présidence. Tant que M. Guizot s’est montré l’homme d’un système arrêté, on a pu croire que l’envie de le faire dominer lui donnait cette souplesse si opposée à son apparente raideur ; mais quelles sont aujourd’hui les idées de M. Guizot ? Nous les cherchons de bonne foi dans ses derniers écrits sans qu’elles nous apparaissent, et c’est surtout après les avoir médités qu’on doit se ranger à cette opinion sur M. Guizot, sorties d’une bouche dont il a entendu souvent d’utiles vérités : « n’ayant pas réussi à devenir le flatteur du roi, il se fait aujourd’hui le courtisan de la chambre. »

Soyons indulgens ; n’insistons pas trop sur ces variations ni sur les agitations auxquelles sont en proie M. Guizot et ses amis. Il ne leur est pas possible de vivre long-temps sans portefeuilles ; quand ils ne sont plus ministres, ils deviennent révolutionnaires ardens, et il faudrait les laisser éternellement au pouvoir, par mesure de salut public. Autour de M. Guizot, on ne parle plus que de troubles et de révolutions ; on s’écrie qu’on remuera, s’il le faut, les pavés de juillet, et dans ce délire on est de bonne foi.

Sans doute, le talent est chose recommandable, mais vraiment il inspire plutôt la compassion que l’envie, quand il monte les têtes à ce comble de fatuité folle. Les trois ou quatre personnes qui entourent M. Guizot oublient complètement ce que la chambre et la France contiennent d’aptitudes, de capacités et d’intelligences ; elles sourient ironiquement si on leur dit que des hommes nouveaux peuvent s’élever sans leur appui ; elles refusent de croire qu’il puisse y avoir dans le pays d’autre école que la leur pour les affaires et les idées, et elles érigeraient volontiers en dogme politique la légitimité doctrinaire.

Cependant il est un homme dont le parti doctrinaire veut bien reconnaître la valeur, c’est M. Thiers, mais à la condition de s’en servir et de le garder. M. Thiers a toujours été considéré par M. Guizot et ses amis comme un ornement de leur triomphe. Il leur convient de l’incorporer dans leurs rangs, de l’isoler des siens, de son parti, de ses souvenirs ; si on leur reproche leur tendance en arrière, vers la restauration, ils veulent pouvoir montrer au milieu d’eux l’illustre plébéien qui doit tout aux principes de la première révolution et au succès de la seconde. Mais que M. Thiers cesse de marcher avec les