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table, la coalition, sous son autorité, des intérêts arabes. Sans doute ses progrès dans cette voie doivent être surveillés avec soin ; mais on ne doit pas s’en alarmer outre mesure. N’oublions pas d’ailleurs qu’au pis-aller l’œuvre finirait avec lui ; car, en Afrique, l’autorité ne se transmet pas, elle est personnelle : autre raison de ne pas s’effrayer des coalitions indigènes, si compactes qu’elles puissent paraître ; autre principe de faiblesse dont les tribus ont conscience, qui les rend toujours chancelantes dans de pareilles unions, et qui imprime à leurs yeux une immense supériorité à toute domination étrangère, par cela seul qu’elle ne participe pas à cette instabilité.

L’autre motif de ne pas rompre la paix, que nous avons indiqué, c’est que tous ses effets fâcheux, sauf les progrès de l’émir, sont produits, tandis que nous sommes loin d’en avoir recueilli les avantages. Beaucoup de choses sont à faire pour nous asseoir comme nous le devons dans les points que nous occupons. Je ne parle pas seulement des ports, des routes, des constructions militaires et civiles, qu’interrompent toujours plus ou moins les nécessités financières et le trouble de l’état de guerre ; je parle surtout des questions nombreuses que l’administration doit résoudre, et entre lesquelles deux surtout me paraissent capitales : celle des limites à imposer à l’établissement des populations européennes, et celle des difficultés de toute espèce que le désordre des sept dernières années a créées au développement de la colonisation. Entrer dans des détails sur ces deux points me mènerait trop loin ; mais il est du plus haut intérêt que toutes les incertitudes qui les entourent soient promptement et définitivement dissipées. Il en est de même de la proportion dangereuse de la population européenne non française dans les villes, et de beaucoup d’autres questions qui appellent, de la part de l’administration, une étude sérieuse et une solution claire. Tout encore est presque à fonder en Afrique, en fait d’administration intérieure, et rien ne se fonde durant la guerre. La paix portera d’autres fruits encore. Il est bon de laisser aux tribus soumises à notre pouvoir le temps de le connaître et de le goûter, et de donner aux autres le spectacle de la condition que nous leur faisons. Il y a de l’avantage aussi à laisser durer, se développer, tourner en habitudes, les relations commerciales qui commencent à s’établir entre les tribus de l’intérieur et nous ; c’est par le commerce, c’est par le contact pacifique de nos mœurs et de notre civilisation, que nous attirerons le plus puissamment à nous les indigènes. Il suffit d’indiquer ces considérations, que tout le monde a comprises, pour ne laisser aucun doute sur la réalité des avantages que la paix