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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/624

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REVUE DES DEUX MONDES.

Algérie. Il est inutile de le dire, le jour où cette nécessité se produira, il faudra franchement l’accepter, et forcés de choisir la guerre, s’arranger de manière à ce que celle-là du moins soit une guerre bien faite. Le champ et le but en sont nettement marqués à l’avance. Le but sera l’occupation de la province de Titery par les villes de Médéah et de Miliana, et le refoulement d’Abd-el-Kader dans la province d’Oran. Le champ, ce seront les défilés de l’Atlas entre Belida et Médéah d’une part, entre Bélida et Miliana de l’autre, puis les avenues de ces deux villes, puis la vallée du Chélif. L’émir rejeté dans la province d’Oran, il faudra l’y laisser, soit qu’il demande à traiter, soit qu’il s’y refuse ; car il sera prudent de nous établir solidement dans la province de Titery avant d’entreprendre davantage. Nous espérons qu’alors les idées sur l’Afrique seront assez avancées pour décider la France à rester en personne à Médéah. Mais s’il n’en était pas ainsi, ce serait le moment de tirer parti d’Achmet, si Achmet existe encore. La combinaison qui donnerait à ce chef l’investiture du beylikat de Titery, et réunirait autour de lui, à Médéah, les débris de la milice turque, conserverait tous les avantages qu’elle pouvait présenter dans la province de Constantine, sans en avoir les inconvéniens. Achmet ne serait là ni en contact avec Tunis, ni en présence de populations exaspérées contre lui, ni dans une position inexpugnable et hors de notre portée ; et il y serait comme il aurait été à Constantine, un contrepoids sûr, utile, suffisant à la puissance affaiblie d’Abd-el-Kader. Nous le répétons, cette combinaison par laquelle la France ne se montrerait pas elle-même, mais se ferait représenter dans la province de Titery, est loin de nous satisfaire ; elle ajournerait pour long-temps la soumission directe et beaucoup plus facile, selon nous, des tribus de cette province à notre domination. Mais, au défaut de l’occupation directe, nous la comprendrions, elle nous semblerait praticable et justifiable, tandis que l’idée de l’appliquer à Constantine est en opposition radicale avec tous les principes de la politique et du bon sens.

C’est dans ces limites, si nous ne nous trompons, que devra être renfermée la première entreprise à laquelle une rupture avec Abd-el-Kader donnera lieu. De quelque manière que l’émir se conduise après sa défaite, une autre campagne sur Mascara et Tlemcen devra être ajournée. La prise de possession de la province d’Oran est une seconde et dernière entreprise à laquelle on arrivera, mais qui ne devra être tentée que lorsque la puissance française sera suffisamment assise dans celle de Titery.