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sion, l’invasion suivie de la conquête, et par suite un ordre de choses nouveau ?

Un autre symptôme du mouvement qui s’opère dans les esprits et dans les capitaux, c’est l’entraînement avec lequel on se porte aujourd’hui vers les entreprises de travaux publics, et notamment vers les associations formées pour exécuter des lignes de chemins de fer.

Jusqu’à ce jour, les entreprises de chemins de fer en France ne tombaient pas directement dans le domaine de l’association. Elles commençaient par être de véritables opérations de crédit, qui dépendaient entièrement de l’intelligence ou de la bonne volonté des banquiers.

Le concessionnaire d’un chemin, après avoir obtenu l’autorisation du pouvoir législatif, au lieu de s’adresser au public des capitalistes, colportait son privilége, cherchant une maison de banque qui endossât le projet de son nom et qui se fît l’intermédiaire responsable entre l’éditeur et les souscripteurs réels.

Si l’entreprise était adjugée avec publicité et concurrence, les banquiers se portaient soumissionnaires ; ils formaient ensuite une société dans laquelle leurs correspondans étaient admis à souscrire au pair pour un certain nombre d’actions. Mais le public des souscripteurs sérieux, de ceux qui achètent pour garder, était tenu à distance ; on mettait en réserve la masse des actions pour rester maître du marché, et on ne les livrait à la vente que lorsqu’une hausse progressive, habilement soutenue, en avait élevé artificiellement la valeur. Le capital social s’augmentait ainsi d’un tiers ou de moitié, au détriment de l’entreprise, dont les bénéfices, répartis sur une plus grande surface, devaient se trouver bientôt insuffisans.

Hâtons-nous de le dire, ce procédé d’association, tout onéreux qu’il semble aujourd’hui, était l’inévitable conséquence du système adopté pour les travaux publics. Quand la concession précédait l’association, quand les chambres prononçaient sur l’utilité d’un projet, avant que cette utilité eût pu être constatée par l’adhésion de souscripteurs nombreux, elles ne votaient en réalité que sur une hypothèse. La loi donnait un blanc-seing ; les banquiers seuls pouvaient le remplir. Il fallait, pour constituer l’affaire, pour l’accréditer et pour battre monnaie à son profit, le concours des plus puissans dépositaires ou détenteurs de capitaux.

Mais si l’on admet, avec la commission nommée par la chambre des députés, que l’autorisation législative ne doit porter que sur des