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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/783

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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

thousiasme témoigné partout à l’empereur par ses bien-aimés sujets, et sur la quantité de petits princes qui lui auraient rendu hommage !

« Outre les considérations politiques et le désir que nous pourrions avoir d’établir des colonies dans le Caucase, ne sommes-nous pas, rigoureusement parlant, une nation de boutiquiers (shopkeepers) ? n’est-ce pas aux entreprises commerciales que nous devons toute notre prospérité et notre grandeur ? Combien donc ne nous est-il pas nécessaire d’établir des relations de commerce avec des pays éloignés semblables à l’isthme caucasien ! car presque tous les peuples du continent s’étant mis à fabriquer ce qu’ils consomment, il est évident que, dans quelques années, nous serons entièrement chassés de leurs marchés. L’Allemagne, avec sa population de trente millions d’ames, est déjà perdue pour l’industrie anglaise par l’adoption de la ligne commerciale prussienne. Où donc pouvons-nous espérer de trouver un marché qui ne soit pas occupé d’avance, si ce n’est dans les nombreux pays qui avoisinent la mer Noire ? Et, pour ne citer qu’une seule ville, nos exportations pour le nord de la Perse, par la voie de Trébisonde, se sont accrues, en peu d’années, de quelques mille livres à près de deux millions sterling, tandis que le total de notre commerce avec le vaste empire de Russie et ses cinquante millions de sujets n’excède pas annuellement trois millions de livres.

« Mais, au lieu de diriger notre attention vers ces questions de commerce et de politique étrangère, si importantes pour nous, ne consumons-nous pas nos forces dans des intrigues domestiques, dans de stériles cabales ? Un parti cherche à conquérir le pouvoir à l’aide du scrutin secret et du suffrage universel ; un autre vise au même but en hésitant à nettoyer de la rouille des âges nos vénérables institutions ; un troisième s’efforce de rester en place au moyen d’un système de juste milieu. Pendant ce temps, nous laissons toutes les puissances de l’Europe poursuivre, chacune de son côté, leurs plans d’agrandissement, et fermer successivement tous les débouchés de notre commerce. Mais on peut assurer, d’après la vivacité des sentimens qui se sont manifestés, par la voie de la presse, dans la capitale et dans toutes nos grandes villes maritimes et commerçantes, et aussi d’après l’extrême anxiété avec laquelle le commerce attend la décision du parlement sur la question du Vixen et la violation des lois internationales, que le peuple anglais est éveillé sur les vrais intérêts du pays, et qu’aucune réunion d’hommes ne peut espérer de conserver les rênes du gouvernement, à moins que la hardiesse et la résolution