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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

général en Angleterre ; que le commerce anglais est menacé ou se croit menacé dans le Levant ; que de tout cela il résultera vraisemblablement une collision où la France aura un grand poids à jeter dans la balance, et que, par conséquent, il est grand temps que les hommes qui peuvent agir sur l’opinion se mettent à étudier sérieusement la question d’Orient. Mais, avant de nous jeter nous-mêmes dans les considérations politiques, finissons-en avec le voyage de M. Spencer.

Le camp des Circassiens était situé à moitié chemin entre le fleuve Kouban et la forteresse russe d’Aboun, ce qui permettait aux montagnards de surveiller des deux côtés les mouvemens de l’ennemi et d’empêcher la garnison d’Aboun de recevoir des renforts. La situation de cette forteresse est assez désavantageuse, parce qu’elle est dominée ; toutefois elle est suffisante contre des ennemis dépourvus d’artillerie. D’ailleurs, lorsqu’elle fut construite, les Russes n’avaient pas le choix du lieu : ils se trouvèrent investis dans cet endroit par un corps considérable de Circassiens ; ils n’eurent d’autre moyen d’échapper à une entière destruction que d’élever des retranchemens qui furent augmentés par la suite de manière à devenir quelque chose qui ressemble à une forteresse. Du reste, ils ne tiraient pas grand avantage de cette position, parce qu’ils ne pouvaient communiquer de là, ni avec le fort de Ghelendjik, ni avec les troupes du Kouban, et qu’entourés de tous côtés, ils ne se procuraient des vivres qu’en faisant des sorties, et avaient souvent à souffrir de la faim. M. Spencer passa près de ce fort pour aller visiter le Kouban ; c’est sur ce fleuve, l’Hypanis des anciens, qu’est établie la ligne militaire russe. Le Kouban prend sa source dans la chaîne centrale du Caucase, et coule de l’est à l’ouest, séparant un pays de steppes de la région montagneuse. La steppe qui est sur la rive droite, est habitée par les Cosaques de la mer Noire ; l’autre rive est occupée par les tribus caucasiennes. Les Cosaques du Kouban sont les ennemis les plus acharnés des Circassiens auxquels ils ressemblent, du reste, beaucoup plus qu’aux Russes, soit par la taille et les traits du visage, soit par les mœurs et le courage ; peut-être ont-ils une origine commune, et, dans tous les cas, les deux races se sont beaucoup mêlées. C’est Catherine II qui les établit sur la rive du Kouban comme gardiens des frontières. M. Spencer assure que les miasmes des marécages qui avoisinent le fleuve, l’influence d’un climat généralement insalubre, et l’hostilité incessante des Circassiens en ont beaucoup diminué le nombre ; ils ne peuvent plus mettre aujourd’hui en campagne que douze mille