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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/197

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SOUVENIRS D’ÉCOSSE.

du château d’Ardtornish, situées sur un roc non loin de la baie où nos pêcheurs dépouillaient leur proie. Walter Scott, dans le Lord des Îles, a si bien décrit ce château, que je ne puis mieux faire que répéter ses vers.

« Ardtornish, on her frowning steep
Twixt cloud and ocean hung
Hewn in the rock, a passage there
Sought the dark fortress by a stair,

So straight, so high, so steep
With peasant’s staff, one valiant hand
Might well the dizzy pass have mann’d
Gainst hundreds arm’d with spear and brand
And plunged them in the deep
. »[1]

Le château d’Ardtornish était, après Dunstaffnage, l’une des principales forteresses des lords des Îles : c’était là qu’ils convoquaient leurs parlemens ; ces lieux sont pleins des souvenirs de l’histoire héroïque de l’Écosse.

De l’autre côté du détroit, dans l’île de Mull, et en face d’Ardtornish, on aperçoit, sur un roc très élevé, un autre grand château ruiné, qui s’appelle Duart-Castle. C’était là qu’habitaient les Mac-Leans de Duart qui, avec les Mac-Leans de Loch-buy, se partageaient tout le sud et tout l’ouest de l’île de Mull. Le château de Duart commandait l’entrée du détroit de Mull ; aussi fut-il souvent assiégé par les pirates de toutes les nations et par les Mac-NieIs et les Mac-Donalds ses voisins ; mais presque toujours ces assauts furent repoussés. Les poètes et les habitans du pays racontent, au sujet des entreprises dont Duart-Castle fut l’objet, nombre d’aventures merveilleuses qui prouvent surtout en faveur de la fécondité de leur imagination. J’ai vu plusieurs recueils manuscrits des chroniques de ces châteaux des îles, de Mull, Jura, Arran et Skye, que des curieux s’amusent à rassembler. Ces chroniques formeront un jour une histoire héroïque des Hébrides aussi intéressante et beaucoup plus variée que les chants des anciens bardes. Les châteaux des Mac-Leans ont fourni la meilleure partie de ces récits, où la fable se mêle toujours à la vérité. La plus singulière de ces chroniques est celle que M. Ritchie, dans son Écosse, nous raconte au sujet du château de Duart. Il y a lieu de présumer que le naufrage du vaisseau amiral de l’invincible Armada, sur la côte de Mull, a servi de premier thème aux Senachis du pays, qui, comme

  1. Ardtornish est pendu sur une mer profonde,
    Entre la nue épaisse et la vague qui gronde,
    Jadis la main de l’homme au flanc du mont altier
    A taillé dans le roc un tortueux sentier,

    Si rapide et si droit, qu’un rustre de courage
    Peut, son bâton en main, en fermer le passage
    À cent hommes armés et revêtus de fer,
    Et du haut du rocher les jeter dans la mer.