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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/36

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l’ont porté jusqu’en Amérique. C’est de ce dernier auteur de plusieurs vastes codes que je viens vous entretenir aujourd’hui.

M. Edward Livingston naquit en 1764, dans la colonie de New-York. Sa famille, originaire d’Écosse, était ancienne et illustre. Les Livingston avaient formé un clan puissant, et leur chef fut l’un des lords sous la tutelle desquels avait été placée la jeune reine Marie Stuart.

Au XVIIe siècle, le vent de la persécution religieuse qui poussa, des îles britanniques sur les côtes septentrionales du continent américain, tant de pieux émigrés destinés à y devenir la semence d’un grand peuple, entraîna aussi les Livingston sur cette plage lointaine. Ils quittèrent les montagnes de l’Écosse pour les bords libres de l’Hudson. Par un souvenir de leur ancienne splendeur qui les suivit au-delà des mers, et qui conserva chez eux le culte des traditions à côté de l’esprit d’indépendance, ils donnèrent à leurs établissemens américains quelques-uns des titres que portaient les manoirs de leurs ancêtres. Cette famille généreuse, qui avait quitté son ancienne patrie pour rester libre, prit hardiment la défense de sa patrie nouvelle, lorsque ses droits furent méconnus par la métropole et que le moment de son entière émancipation fut arrivé.

Edward Livingston, le dernier de onze enfans, était encore fort jeune au début de cette grande révolution. Ses premières années s’étaient écoulées à Clermont, riche domaine de sa famille sur les belles rives de l’Hudson, au milieu de mœurs patriarcales, d’idées généreuses, d’habitudes opulentes, et sous l’influence d’une honnêteté héréditaire. Dans cette éducation des bons exemples, dont l’effet insaisissable, mais continu et profond, agit sur l’ame qui se forme comme un air pur et vivifiant sur le corps qui se développe, Livingston avait puisé des penchans heureux, une piété douce, des goûts élevés. Mais il reçut bientôt de nouvelles et plus fortes leçons des évènemens qui s’accomplirent dans son pays.

Il fut témoin de la grande insurrection qui constitua les colonies anglaises d’Amérique en états indépendans ; il entendit pousser les premiers cris de résistance à l’oppression métropolitaine ; il vit sa famille entière se dévouer à cette noble cause. Son frère Robert Livingston alla siéger dans ce magnanime congrès qui, durant sept années, et à travers toutes les vicissitudes de la guerre, ne désespéra pas un seul instant de la fortune américaine, et qui le désigna avec Jefferson, Franklin et Adams, comme l’un des membres chargés de proposer la déclaration d’indépendance et de dresser l’acte de nais-