Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/394

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
390
REVUE DES DEUX MONDES.

les changemens faits par lui aux cadres qu’il emprunte, puis l’emploi de détails devenus lieux communs.

Des souvenirs de Virgile et de Théocrite servent de point de départ dans la troisième églogue, intitulée Exoratio. Virgile avait représenté Mélibée cherchant son bouc égaré ; Calpurnius développe cette idée. Iolas a perdu sa vache, et en demande des nouvelles à Lycidas, qui a autre chose à penser et qui toutefois lui indique où il est probable qu’on la retrouvera. Le poète entre ici dans des détails familiers, à l’exemple de Théocrite et aussi de Tibulle qu’il imite. Iolas n’oublie pas de parler de ses jambes déchirées par les ronces dans sa vaine recherche, et il veut, quand on aura trouvé la fugitive, qu’on la batte bien fort pour le venger. À cette familiarité se joignent de charmantes minuties descriptives. La peinture du taureau qui se repose et rumine n’est pas seulement prise de Virgile, pallentes ruminat herbas, mais aussi, et mot pour mot, des Amours d’Ovide. On le voit, Calpurnius n’est point exclusif ; il prend à tous les bons poètes, absolument comme procéderait un faiseur moderne de vers latins. Dans son mélange d’élégance et de familiarité, Calpurnius suit Théocrite et Virgile, mais d’une façon artificielle où la conciliation éclectique des deux modèles amène quelquefois des disparates. Lycidas a été troublé dans de tristes pensées qu’il confie à Iolas, pendant qu’un valet de berger, Tityre, a été chercher sa vache égarée ; il raconte l’infidélité de sa maîtresse Phyllis, sa colère, sa violence, suivies de leur rupture. Dans ce récit il y a une délicatesse d’expression qui ne fait guère attendre une brutalité qui le termine. Iolas offre son entremise pour raccommoder Lycidas avec Phyllis ; il se charge de lui porter des vers que l’amant malheureux a composés dans cette intention ; il les écrit sous sa dictée sur l’écorce d’un cerisier, et cette écorce, détachée du tronc, devient une lettre amoureuse. J’ai bien peur que ce détail spirituel ne soit au fond peu bucolique ; c’est une imitation et comme une traduction rustique des tablettes de la société romaine. La complainte de Lycidas est une fort agréable élégie inspirée par l’Alexis et la Pharmaceutria, et nombre de pièces où Théocrite a exprimé de semblables désespoirs. Le poète a souvent besoin de rappeler par certains détails la condition des personnages qu’on serait tenté d’oublier : telles sont des comparaisons un peu grossières qui succèdent à un exorde gracieux et élégant. Dans de fort jolis vers qui doivent beaucoup à l’imitation, il se met en parallèle avec Mopsus, rival préféré, et si inférieur à lui pour la