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DE L’ÉGLOGUE LATINE.

platitude et leur grossièreté. Dans la première, un berger raconte à un autre l’histoire de ses amours, ce qui amène, de temps en temps, de fort communes moralités, principal but de l’auteur. Ce n’est plus là l’élégante simplicité de l’églogue, ce n’est plus sa rusticité qui ne doit pas être sans choix et sans agrément. Par un mélange ordinaire, dans ce temps de littérature païenne encore même en des sujets chrétiens, ces bergers, tout en nommant le Christ, se servent des mots superi, numina ; puis viennent le Phlégéton, l’Élysée comme expression de l’autre vie. Les exemples, les autorités, dont abonde cette espèce de sermon bucolique, sont empruntés indifféremment à la fable et aux livres saints, d’une manière qui semblerait scandaleuse, sans la bonne foi du poète.

Dans la deuxième et la troisième églogue, des bergers s’entretiennent encore des dangers de l’amour ; la quatrième est une sorte de diatribe grossière et commune contre les femmes. Le sujet change dans la cinquième pièce, consacrée à décrire l’abandon où les grands et les riches laissent les poètes. C’est là un sujet peu bucolique, une satire peu juste dans le siècle des Médicis et de tant d’autres patrons des lettres. La cour romaine n’est pas oubliée dans des vers qui comptent parmi les meilleurs du poète, ce qui peut faire juger des autres :

Occidit Augustus, nunquam rediturus ab orco ;
Si quid Roma dabit, nugas dabit. Accipit aurum,
Verba dat ; heu Romæ nunc sola pecunia regnat
 !


La sixième églogue est une pièce du même genre, une peinture monacalement satirique des mœurs de la ville et de la campagne. Dans la septième, qui a quelque chose de semblable, deux bergers s’entretiennent de l’histoire d’un pasteur qui, fuyant sa patrie, par suite de chagrins domestiques et amoureux, a été se faire moine au mont Carmel. Il en avait reçu le conseil de la Vierge elle-même, qui lui était apparue, et entre autres promesses lui avait annoncé une vie immortelle parmi les hamadryades et les oréades, « nouvelles saintes, dit Fontenelle, que nous ne connaissions pas encore dans le paradis. » Le culte de Marie fait le sujet de la huitième églogue, suite de la précédente ; c’est une sorte de paraphrase grossière des litanies. Le style et le goût y répondent dignement au mérite de l’invention.

Le Mantouan était tout-à-fait moine lorsqu’il fit ses deux dernières pièces, et l’on s’en aperçoit. La neuvième est, sous des couleurs bucoliques, un tableau épigrammatique des mœurs et surtout de