manquer à la collection des monumens de l’histoire du tiers-état, que cette collection, monsieur le ministre, ne manquerait pas au pays qui l’attend, et que la promesse faite par le gouvernement ne serait pas vaine. Et si, ce qu’à Dieu ne plaise, des préoccupations trop exclusives en faveur des intérêts matériels portaient les chambres à répudier le patronage des travaux historiques, les solides fondemens de l’ouvrage interrompu resteraient là, pour accuser le temps présent, et pour inviter une autre génération à mieux comprendre tous les devoirs du vrai patriotisme. »
J’avais raison de penser, quand je vous ai adressé ma première lettre, que la question belge n’aurait pas fait en quinze jours assez de progrès pour absorber toute notre attention, et qu’en attendant l’ouverture de la conférence, nous pourrions tourner les yeux d’un autre côté. Effectivement, les plénipotentiaires des cinq puissances ne se sont pas encore mis sérieusement à l’œuvre. On s’occupe, à Londres, plus encore de fêtes que de négociations, et, dans les réunions fréquentes qui la rassemblent autour d’une même table, la diplomatie européenne ne songe guère à rédiger des protocoles. Cependant, comme dans ce monde élevé qui gouverne les hommes et décide du sort des nations, les plaisirs ne nuisent pas aux affaires, soyez sûr, monsieur, qu’au milieu de ces fêtes on a souvent parlé du traité des 24 articles, repassé la question territoriale, et discuté le chiffre de la dette belge. Soyez sûr que chacun a déjà répété son rôle, essayé la force de ses argumens, annoncé son opinion, tenté de faire prévaloir son avis, le tout en langage de salons, avec une exquise politesse, sans l’ombre de caractère officiel. Mais on n’en est pas moins sérieux pour cela, et sous ces fleurs se cachent, non pas des serpens, des épées encore moins, je l’espère, mais de belles et bonnes réalités, des affaires, en un mot, et les plus grandes de toutes.
J’aurai donc peu de chose à faire pour vous tenir au courant, car je n’ai pas la prétention de savoir ce qui se dit à l’oreille dans les embrasures des fenêtres d’Apsley-House, du palais de Buckingham, des hôtels de France ou de la magnifique maison de campagne de M. Rothschild. J’ai tout simplement à vous faire remarquer un nouveau nom parmi ceux des plénipotentiaires qui doivent former la conférence de Londres. C’est le nom de M. le baron de Senfft-Pilsach, ministre d’Autriche à La Haye. M. de Senfft est arrivé à Londres il y a une quinzaine de jours. Sa cour le destine à doubler M. le prince Esterhazy, et les circonstances lui donneront peut-être le premier rôle à jouer dans les négociations qui vont s’ouvrir, M. le prince Esterhazy devant figurer au couronnement de l’empereur son maître à Milan, tandis que la conférence sera en pleine activité. M. de Senfft y apportera sans doute des dispositions plutôt favorables que contraires au roi de Hollande. Il est permis de penser que, d’après sa position, officielle à La Haye, on trouvera en lui un arbitre fort éclairé, fort instruit de tout le différend. J’aime à croire, de plus, que cette position, à laquelle il aura dû ses lumières, ne portera aucune atteinte à l’impartialité de son jugement. Dans les négociations de 1831 et 1832, le