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LIVINGSTON.

la loi seule règne, il faut aller au fond des choses par le chemin droit de l’équité et non par les sentiers tortueux des formes. Épargner le temps conduit alors plus promptement à la justice, comme le perdre pouvait naguère y conduire plus sûrement. C’est ce que comprit parfaitement l’esprit judicieux de M. Livingston. Dans cette loi courte et substantielle, il s’éloigna de l’interminable procédure française et des vieilles fictions de la loi anglaise. L’équité fut son but, la clarté son guide, et il institua une règle qui simplifia la marche des procès, et dont le succès l’aida plus tard dans la composition d’une plus grande œuvre législative.

M. Livingston fut l’un des fondateurs du régime provisoire de la Louisiane, pour laquelle il rédigea la charte d’une banque sur la demande du gouvernement territorial. Il concourut encore au travail des jurisconsultes français, Moreau-Lislet et Derbigny, qui réunirent en corps d’ouvrage les anciennes lois civiles de la Louisiane. Sous cette législation qui devait durer encore nombre d’années, le pays prospéra rapidement. Les colons y arrivèrent de toutes parts ; les forêts tombèrent sous la hache des pionniers ; les espaces déserts qui séparaient les uns des autres les divers groupes d’établissemens, se couvrirent de champs ensemencés ; le port de la Nouvelle-Orléans se remplit de navires, qui remontèrent les fleuves du pays, dont ils vivifièrent par le commerce les vallées déjà enrichies par la culture. Le prix des propriétés décupla, et M. Livingston, le plus renommé comme le plus habile des avocats de la Louisiane, acquit facilement cette opulence perdue qui l’avait décidé à l’émigration.

Mais la fortune pouvait être son but sans être son occupation ; il fallait à son esprit un aliment plus noble, il le trouva. C’est alors qu’il conçut, tout en suivant le barreau, le projet du grand code qui devait embrasser la législation pénale, la procédure criminelle et la réforme des prisons.

Pour se préparer à cet immense travail, M. Livingston fit son étude des codes qui avaient régi les divers temps et les divers peuples ; il vécut dans le commerce des grands maîtres de la science. Il fortifia sa pensée avec Montesquieu, développa ses sentimens généreux avec Beccaria, exerça son esprit d’analyse avec Bentham, se perfectionna dans l’art de la composition avec Pothier, et forma son style législatif avec les habiles rédacteurs de nos codes.

Il fut détourné de ces belles méditations par un évènement qui l’obligea à quitter ses livres et à prendre les armes. Les États-Unis, en 1812, après avoir long-temps subi, de la part de l’Angleterre, les