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VOYAGE AU CAMP D’ABD-EL-KADER.

prenait position, et que nous eussions à attendre que les tentes fussent dressées.

Au bout d’une heure, nous entendîmes tirer quatre coups de canon, signal de l’entrée de l’émir dans son camp. Peu de temps après, d’autres cavaliers vinrent nous chercher et nous conduisirent à l’endroit où l’armée se trouvait placée. Nous descendîmes alors dans un ravin qui régnait le long de la montagne, et nous aperçûmes devant nous, par une gorge étroite, une partie des tentes des Arabes. Nous remontâmes l’autre côté du ravin, et ce ne fut qu’après avoir pénétré dans le vallon où était le camp que nous pûmes en embrasser tout l’ensemble. Cette position a beaucoup de rapports avec celle de M’jez-el-Amar ; seulement elle est moins étendue. Les troupes occupaient le fond du vallon, qui était dominé de tous les côtés, excepté en avant : il n’y avait sur les crêtes aucun poste pour observer le pays au loin et défendre la position.

On nous conduisit à notre tente au milieu d’une foule étonnée de voir des chrétiens, et dont le bâton des chiaouches avait peine à contenir l’indiscrète curiosité. Nous étions placés à la droite de la tente de l’émir qui envoya prendre nos chevaux par ses gens, et ordonna de les placer parmi les siens. Il nous fit apporter sur-le-champ une collation composée de dattes, de raisins secs et de gâteaux du pays, en nous faisant annoncer que nous n’avions à nous occuper de rien, et qu’il se chargeait de pourvoir à tout ce qui pourrait nous être nécessaire.

Environ une heure après, nous allâmes lui faire une visite très courte et purement de cérémonie.

Nous le trouvâmes sous une de ces tentes appelées outak dont l’extérieur était assez délabré. Au dedans, elle avait un aspect plus conforme à sa destination, et se composait d’une toile à grandes arabesques jaunes, rouges et vertes. En face de l’entrée, et à peu près au milieu de la tente, était une étroite enceinte, formée de coffres recouverts de tapis. C’est là que se tenait l’émir, accroupi sur des coussins. À sa gauche étaient une trentaine de volumes ; à sa droite, des armes richement ornées. À ses pieds, on remarquait un coffre rempli d’argent ; au-dessus de sa tête, pendait une toile que l’on fait tomber jusqu’au sol, quand on veut séparer la tente en deux parties. Le chef des secrétaires d’Abd-el-Kader se tenait à sa droite et un chiaouche à sa gauche.

Bien que nous ne fussions, aux yeux de l’émir, que des visiteurs sans caractère officiel, persuadés cependant qu’il était de notre devoir