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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/503

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DE LA QUESTION COLONIALE.

à la subir comme un arrêt de la fatalité, s’ils ne se trouvaient pas à l’avance épuisés, irrités par une crise commerciale que la loi seule leur impose en ce moment. On dirait, en vérité, quand on voit les intérêts des colonies si peu ménagés dans cet état de transition redoutable, on dirait un malade à la veille de subir une laborieuse opération chirurgicale, et abandonné, en attendant, à des mains aveugles, qui se hâtent de ruiner sa constitution par les saignées, la diète, et mille inquiétudes morales.

Cela n’est pas sage. Sur les deux points où la condition des colonies doit être amendée, c’est-à-dire le régime du commerce et l’état social, le gouvernement est tenu de prendre le contre-pied de ce qu’il a fait jusqu’ici : il a une vaste réforme à aborder dans l’organisation intérieure des colonies, ce qui ne l’a guère occupé encore ; il a à régler leurs rapports extérieurs avec la métropole, et peut-être avec le reste du monde, sur des données plus équitables, et c’est à quoi il n’a songé récemment que pour mal faire. Nous ne manquerons jamais, pour notre part, d’appuyer cette distinction, qui nous semble le seul fondement raisonnable de tout ce qu’on peut dire ou faire pour l’état colonial.

Nous avons, ailleurs, assez chaudement plaidé la cause des colons, plusieurs d’entre eux le savent, mais ç’a été sous l’unique rapport de l’intérêt de leur production actuelle, qui a droit à la plus large place sur le marché de la France et en est exclue par une concurrence privilégiée. Nous n’espérons pas que ce souvenir permettra aux colons d’accepter de sang-froid le point de vue où nous nous placerons pour examiner l’autre face de la question coloniale. Peu importe : c’est avec nos idées, non avec celles des colons, dont nous nous sommes séparé de bonne heure, que nous prétendons envisager la situation présente de nos établissemens à esclaves.

Pour cette analyse, nous nous aiderons des deux volumes récemment publiés par ordre de M. de Rosamel, sous ce titre : Notices statistiques sur les Colonies françaises. Il ne s’agit là que de nos quatre principales colonies, la Martinique, la Guadeloupe et ses dépendances, Bourbon, la Guyane. Cela suffit pour notre but ; car tous nos autres établissemens d’outre-mer, auxquels, d’ailleurs, l’administration réserve ultérieurement des notices spéciales, savoir : les possessions de l’Inde, Sainte-Marie de Madagascar, le Sénégal, Saint-Pierre et Miquelon, ou n’ont pas d’esclaves, ou sont en dehors de la question d’esclavage, telle qu’elle est posée entre la métropole et les quatre colonies dont il y a lieu de s’occuper tout d’abord. Au Sénégal, par exemple, on connaît une sorte d’esclavage, ou plutôt de