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DE LA QUESTION COLONIALE.

ainsi qu’il pourrait le faire dans le classement de la milice locale. Les écoles et institutions élémentaires, à la Martinique, en 1836, étaient au nombre de 52. Parmi ces écoles, on en compte trois consacrées à l’enseignement mutuel : deux (l’une à Saint-Pierre, l’autre au Fort-Royal) sont exclusivement fréquentées par des garçons appartenant à l’ancienne classe de couleur libre ; le nombre des élèves est d’environ 150 dans chacune. La troisième, établie au Fort-Royal, est une école pour les filles ; il y a environ 60 à 70 élèves, toutes de couleur. Les écoles primaires dirigées par des hommes de couleur ne sont fréquentées que par des enfans de leur classe. Nulle part le mélange des populations ne se fait encore remarquer. Indépendamment de ces institutions, dans la plupart desquelles on se borne à l’enseignement élémentaire, et de quatre pensionnats particuliers, à Saint-Pierre et au Fort-Royal, où l’instruction des élèves n’est pas poussée loin, et où il n’y a que des enfans de la population blanche, il existe à Saint-Pierre un pensionnat royal, dirigé avec beaucoup de succès par des religieuses de la congrégation de saint Joseph de Cluny. Il n’y a eu jusqu’ici que des élèves de la population blanche admises dans ce pensionnat, où elles reçoivent une éducation très distinguée.

On évalue à plus de 200 le nombre des créoles de la Martinique placés en ce moment dans les colléges de France, et dans ce nombre les jeunes créoles appartenant à l’ancienne classe de couleur libre figurent pour un quart environ. La fusion ne s’opère pas, même en France, entre ces enfans d’origines diverses, ou, si elle s’opère par exception et temporairement, c’est pour se dissoudre, nous le savons, une fois qu’ils ont revu les uns et les autres leur sol natal et repris dans le sein de leurs familles les vieilles préventions haineuses qu’on y réchauffe depuis bientôt deux siècles. Si le gouvernement de la métropole voulait enfin sérieusement produire une fusion désirable, il établirait à la Martinique même un collége royal, malgré tous les obstacles qu’il assure avoir déjà rencontrés dans l’exécution de cette idée ; il y appellerait les enfans de couleur qui en formeraient le noyau principal, et, en mettant à la disposition de cet établissement local les bourses qu’il a fondées pour les colons dans les colléges de France, il surmonterait bientôt les répugnances de quelques familles blanches, mais pauvres, qui, à de telles conditions, s’estimeraient encore heureuses d’accepter pour leurs fils une promiscuité jusqu’ici regardée comme humiliante, parce qu’elle était sans compensation. Le mélange des classes, commençant ainsi dès l’enfance, et en pleine terre coloniale, s’infiltrerait peu à peu dans les régions inférieures