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DE LA QUESTION COLONIALE.

dont ils n’avaient pas eu l’avant-goût par cette liberté de fait, qu’on a si bien nommée la liberté des savannes.

La longévité des esclaves et des libres n’est pas aussi grande à l’île Bourbon, qu’on le supposerait d’après sa grande salubrité. En 1836, on y comptait, parmi les esclaves, 2,095 hommes, 1,331 femmes, en tout 3,426 têtes au-dessus de 60 ans, c’est-à-dire le vingtième de cette population ; et parmi les libres, 664 hommes, 580 femmes, en tout 1,244, qui, relativement au chiffre total des libres, en constituent seulement le trente-deuxième.

Sur les 3,426 esclaves placés dans cette catégorie de longévité, il s’en trouvait 258 de quatre-vingts à quatre-vingt-dix ans, et 28 de quatre-vingt-onze à cent ans.

En cette même année, il y a eu un excédent de 1,316 décès sur les naissances dans la population esclave, les naissances ayant été au nombre de 1,131 et les décès de 2,447.

Quant aux mariages, nous aurions pensé que les esclaves, à Bourbon, en avaient dû contracter au moins autant qu’à la Martinique et à la Guadeloupe, et ce n’était vraiment pas trop présumer, ce nous semble, de la vigilance de leurs maîtres à surveiller l’accomplissement de ce devoir. Mais pas un mariage d’esclave n’est constaté dans les documens de l’administration de la marine. Si c’est une omission, elle n’a point d’excuse ; si, au contraire, il n’a rien été ait pour entraîner les noirs à des unions religieuses, l’administration mérite encore plus de blâme.

Les cinq sixièmes environ des esclaves de Bourbon sont employés aux travaux de l’agriculture ; le reste se compose de domestiques, d’ouvriers et de noirs employés à des occupations intérieures. — La valeur moyenne d’un noir attaché à la culture, ou noir de pioche, est de 1,500 à 2,000 fr. lorsqu’il a quatorze ans ou plus, et de 750 à 1,260, lorsqu’il n’a pas encore atteint cet âge. Les esclaves ouvriers et domestiques se vendent suivant leur savoir-faire et leur degré d’utilité ; il en est dont le prix s’élève, mais par extraordinaire, jusqu’à 8 ou 10,000 francs. Au reste, c’est là un maximum qui n’est pas exceptionnel pour l’île Bourbon ; il est quelquefois atteint dans d’autres colonies, et, en général, ce que nous disons d’une seule s’applique à toutes le plus souvent, sur toutes les questions que peut soulever le régime colonial.

La valeur moyenne de la journée de travail d’un noir, à Bourbon, est estimée à 1 fr. 25 c., ce qui donne par an un produit de 375 fr.