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LA DUCHESSE DE PALLIANO.

favorite, Diane Brancaccio. Celle-ci était une femme de trente ans, dévorée par des passions ardentes. Elle avait les cheveux rouges (l’historien revient plusieurs fois sur cette circonstance qui lui semble expliquer toutes les folies de Diane Brancaccio). Elle aimait avec fureur Domitien Fornari, gentilhomme attaché au marquis de Montebello. Elle voulait le prendre pour époux ; mais le marquis et sa femme, auxquels elle avait l’honneur d’appartenir par les liens du sang, consentiraient-ils jamais à la voir épouser un homme actuellement à leur service ? Cet obstacle était insurmontable, du moins en apparence.

Il n’y avait qu’une chance de succès : il aurait fallu obtenir un effort de crédit de la part du duc de Palliano, frère aîné du marquis, et Diane n’était pas sans espoir de ce côté. Le duc la traitait en parente plus qu’en domestique. C’était un homme qui avait de la simplicité dans le cœur et de la bonté, et il tenait infiniment moins que ses frères aux choses de pure étiquette. Quoique le duc profitât en vrai jeune homme de tous les avantages de sa haute position, et ne fût rien moins que fidèle à sa femme, il l’aimait tendrement, et, suivant les apparences, ne pourrait lui refuser une grace si celle-ci la lui demandait avec une certaine persistance.

L’aveu que Capecce avait osé faire à la duchesse, parut un bonheur inespéré à la sombre Diane. Sa maîtresse avait été jusque-là d’une sagesse désespérante ; si elle pouvait ressentir une passion, si elle commettait une faute, à chaque instant elle aurait besoin de Diane et celle-ci pourrait tout espérer d’une femme dont elle connaîtrait les secrets.

Loin d’entretenir la duchesse d’abord de ce qu’elle se devait à elle-même, et ensuite des dangers effroyables auxquels elle s’exposerait au milieu d’une cour aussi clairvoyante, Diane, entraînée par la fougue de sa passion, parla de Marcel Capecce à sa maîtresse, comme elle se parlait à elle-même de Domitien Fornari. Dans les longs entretiens de cette solitude, elle trouvait moyen, chaque jour, de rappeler au souvenir de la duchesse les graces et la beauté de ce pauvre Marcel qui semblait si triste ; il appartenait, comme la duchesse, aux premières familles de Naples, ses manières étaient aussi nobles que son sang, et il ne lui manquait que ces biens, qu’un caprice de la fortune pouvait lui donner chaque jour, pour être sous tous les rapports l’égal de la femme qu’il osait aimer.

Diane s’aperçut avec joie que le premier effet de ces discours était de redoubler la confiance que la duchesse lui accordait.