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blante et à peine articulée, il lui dit qu’il était vrai qu’il avait obtenu les faveurs de la duchesse. À ces paroles le duc se jeta sur Marcel et le mordit à la joue ; puis il tira son poignard et je vis qu’il allait en donner des coups au coupable. Je dis alors qu’il était bien que Marcel écrivît de sa main ce qu’il venait d’avouer, et que cette pièce servirait à justifier son excellence. On entra dans la salle basse, où se trouvait ce qu’il fallait pour écrire ; mais la corde avait tellement blessé Marcel au bras et à la main, qu’il ne put écrire que ce peu de mots : Oui, j’ai trahi mon seigneur ; oui, je lui ai ôté l’honneur !

Le duc lisait à mesure que Marcel écrivait. À ce moment il se jeta sur Marcel et lui donna trois coups de poignard qui lui ôtèrent la vie. Diane Brancaccio était là, à trois pas, plus morte que vive, et qui, sans doute, se repentait mille et mille fois de ce qu’elle avait fait. « Femme indigne d’être née d’une noble famille, s’écria le duc, et cause unique de mon déshonneur, auquel tu as travaillé pour servir à tes plaisirs déshonnêtes, il faut que je te donne la récompense de toutes tes trahisons. » En disant ces paroles, il la prit par les cheveux et lui scia le cou avec un couteau. Cette malheureuse répandit un déluge de sang et enfin tomba morte.

Le duc fit jeter les deux cadavres dans une cloaque voisine de la prison.

Le jeune cardinal Alphonse Caffara, fils du marquis de Montebello, le seul de toute la famille que Paul VI eût gardé auprès de lui, crut devoir lui raconter cet évènement. Le pape ne répondit que par ces paroles : « Et de la duchesse, qu’en a-t-on fait ? »

On pensa généralement, dans Rome, que ces paroles devaient amener la mort de cette malheureuse femme. Mais le duc ne pouvait se résoudre à ce grand sacrifice, soit parce qu’elle était enceinte, soit à cause de l’extrême tendresse que jadis il avait eue pour elle.

Trois mois après le grand acte de vertu qu’avait accompli le saint pape Paul VI en se séparant de toute sa famille, il tomba malade, et, après trois autres mois de maladie, il expira le 18 août 1559.

Le cardinal écrivait lettres sur lettres au duc de Palliano, lui répétant sans cesse que leur honneur exigeait la mort de la duchesse. Voyant leur oncle mort, et ne sachant pas quelle pourrait être la pensée du pape qui serait élu, il voulait que tout fût fini dans le plus bref délai.

Le duc, homme simple, bon et beaucoup moins scrupuleux que le cardinal sur les choses qui tenaient au point d’honneur, ne pouvait se résoudre à la terrible extrémité qu’on exigeait de lui. Il se disait