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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/567

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REVUE. — CHRONIQUE.

royales que nous avons citées, nous sommes encore à les comprendre. On dit que ces paroles pouvaient donner lieu à supposer que le roi était roi avant le 9 août, et qu’il n’était venu, ce jour-là, devant la chambre, que pour déférer au vœu national et prêter serment à la Charte. Il nous semble, à nous qui sommes peut-être également hérétiques en cela, que c’est justement ainsi que les choses se sont passées, et que le duc d’Orléans n’aurait eu que faire en cette assemblée si, d’avance, elle ne l’avait désigné comme devant occuper le trône de juillet. Sans doute le duc d’Orléans ne fut salué roi qu’après son serment ; sans doute c’est en vertu de ce serment, qu’il a rempli fidèlement, que le roi règne à cette heure sur la nation française ; mais où donc est le crime de dire que le vœu national l’appelait au trône il y eut huit ans le 9 août ? La politique orthodoxe de l’opposition veut qu’on dise que le vœu national n’était rien avant l’investiture de la chambre des députés ; mais, outre que ce mot d’investiture est bien féodal pour l’extrême gauche, n’est-il pas permis de rappeler aux écrivains de ce parti qu’ils ont soutenu, depuis 1830 jusqu’à l’adoption des lois de septembre, que la chambre des députés n’avait pas le droit de déférer la couronne au roi, et que le vœu national était seul valable en pareil cas. Il est vrai qu’ils entendaient par vœu national le suffrage universel ; mais, quelle que soit la manière d’entendre ce vœu, ce n’est pas à la chambre des députés qu’ils accordaient le droit de disposer du trône. Nous qui reconnaissons ce droit, dont une nécessité toute puissante avait investi la représentation nationale, nous ne rappelons ces anciennes discussions que pour montrer combien celles d’aujourd’hui en diffèrent, ou plutôt s’en rapprochent par leurs contradictions. Nous les verrons varier encore, selon les temps. Ce qui est constant, ce qui est éternel dans l’opposition, c’est l’opposition même, c’est le besoin de n’être pas de l’avis du pouvoir, et de suspecter ses intentions. Le roi a vraiment bonne grace à dire qu’on le calomnie ! L’opposition attaque avec tant de loyauté et de bonne foi les actes de son gouvernement ! Cette plainte même n’est-elle pas un acte anti-constitutionnel ? Et n’avons-nous pas entendu dire, à l’époque des attentats d’Alibaud et de Fieschi, que si le roi ne gouvernait pas, les attentats s’adresseraient, non pas à lui, mais aux ministres ? Ainsi tout le monde en France entend parfaitement le gouvernement constitutionnel, même les assassins. Il n’y a que le roi et ses ministres qui n’y entendent rien. Nous dirons sérieusement aux feuilles de l’opposition, et avec la pensée sincère de leur être utiles, que ces attaques nuisent plus à la presse qu’au pouvoir, et qu’elles la discréditent. Au milieu du mouvement inouï d’affaires commerciales et des progrès de la prospérité publique, les départemens s’étonnent de ce concert de plaintes et de malédictions. Dans cette ruche industrieuse, la France d’aujourd’hui, les déclamations prennent un temps que l’attention publique ne veut plus accorder qu’aux discussions sérieuses ; et autant on se ferait écouter, en prouvant que le gouvernement néglige les intérêts généraux, ou qu’il empiète sur les droits des citoyens, autant on éloigne de soi en se lançant dans des définitions théoriques sans base, et qui ressemblent moins à la politique de ce siècle