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tous les vents par la langue de terre d’Apcheron et par quelques petites îles, est le meilleur de la côte occidentale. Il est fréquenté par un assez grand nombre de petits bâtimens persans qui y apportent des fruits, de la soie, du coton, et y prennent de la naphte et quelques produits des fabriques russes et européennes. Bakou est une ville mieux bâtie et plus régulière que Derbend et Tarki. Elle a appartenu successivement aux Turcs, aux Persans, aux Russes, sous Pierre-le-Grand, puis de nouveau aux Persans. Elle fut alors gouvernée par des khans dont le dernier, Hussein-Couli, se soumit à la Russie en 1796 et prêta serment de fidélité. Mais bientôt après il négocia secrètement avec la Perse, pilla des bâtimens marchands russes et inquiéta le commerce d’Astrakan. En 1806, le prince Tsitsianof, gouverneur de Géorgie, vint assiéger Bakou pour mettre fin à ces brigandages. Hussein-Kouli envoya les clés de la ville et demanda une entrevue au général russe. Elle eut lieu à la porte de la forteresse, et, pendant que Tsitsianof s’entretenait avec le khan, des assassins apostés le frappèrent de deux coups de fusil. Peu après le général Boulgakof prit Bakou, et Hussein s’enfuit en Perse avec ses complices ; depuis lors la ville est administrée comme Derbend par un divan composé d’indigènes que préside le commandant russe. Le climat de Bakou est assez sain, et cependant il y meurt annuellement un huitième de la garnison. L’été, avec son insupportable chaleur, est moins funeste aux soldats que l’hiver, qui est assez doux, mais très humide et contre lequel on ne sait pas se défendre en Orient. La pharmacie de la garnison, à ce que nous apprend M. Eichwald, reçoit ses médicamens de Saint-Pétersbourg par Tiflis. S’il est vrai qu’on puisse aisément s’en procurer la plus grande partie dans le pays, on conviendra que c’est pousser un peu loin la centralisation.

À trois lieues au nord de Bakou est le célèbre feu éternel, entretenu par des courans de gaz hydrogène qui sortent de terre. Des Indous viennent en pélerinage dans ce lieu et s’établissent dans des cellules autour d’une vaste cour où le gaz enflammé s’échappe par des tuyaux disposés à cet effet. Ils passent là quelques années à prier et à méditer, puis ils s’en retournent dans leur patrie. Il en est qui restent jusqu’à leur mort dans ce lieu sacré qu’ils appellent Atech-Gah. Tout le terrain des environs de Bakou est volcanique : la tradition locale parle d’un isthme qui coupait autrefois la mer Caspienne en deux et de villes florissantes englouties avec cet isthme. Quoi qu’on puisse en penser, il est clair que le sol de cette contrée a dû être bouleversé par les feux souterrains dont l’action se manifeste encore dans