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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L'ASIE OCCIDENTALE.

Il suffit d’être escorté d’un ou deux Cosaques pour n’avoir rien à craindre. Autrefois il fallait payer aux khans une redevance annuelle considérable pour qu’ils s’occupassent de la sûreté de la route. On ne pouvait transporter les dépêches ou l’argent destiné aux troupes, d’un lieu à un autre, sans une escorte de cinquante Cosaques traînant avec eux un canon. « Aujourd’hui, dit M. Eichwald, la route de Kislar par Tarki est seule dangereuse. Au midi du Caucase, les routes de poste sont parfaitement sûres. Il n’en est pas de même dans la montagne, et l’on ne peut quitter le grand chemin sans être bien accompagné. Comme les commandans des différentes provinces répondent de ceux qui y voyagent, les Cosaques ont l’ordre de ne jamais accompagner les voyageurs dans l’intérieur des terres sans une autorisation spéciale. »

À vingt lieues à l’ouest de Bakou se trouve le vieux Chamakhi, ville autrefois considérable et dont la population était de cent mille ames au commencement du siècle dernier. Depuis ce temps, elle eut beaucoup à souffrir des guerres, des révolutions, des invasions des montagnards. Pierre-le-Grand la saccagea, et Nadir-Chah la ruina de fond en comble ainsi que bien d’autres villes et villages de ces contrées. Le dernier khan du Chirvan l’avait pourtant choisie pour résidence ; puis il la quitta pour s’établir au nouveau Chamakhi, bâti après la ruine de l’ancien, et ruiné à son tour un peu plus tard. Ne s’y trouvant pas encore en sûreté, il se retira dans la forteresse de Fitag, située sur un rocher inaccessible où il força un certain nombre de ses sujets à le suivre. Il craignait la Russie contre l’autorité de laquelle il avait conspiré avec les Persans, excitant des soulèvemens dans la province, protégeant les déserteurs russes et soutenant en secret les maraudeurs lesghis. Ses complots ayant été découverts, il s’enfuit en Perse et les habitans de Fitag revinrent au vieux Chamakhi que Yermolof, lorsque M. Eichwald y passa, faisait rebâtir, afin d’en faire le siége du gouvernement de Chirvan. Cette province, qui a cinquante lieues de long et autant de large, est une des plus fertiles du Caucase. Indépendamment du froment, qui rend cent cinquante pour un dans certains cantons, le mûrier et la vigne y réussissent à merveille, et les vins de Chamakhi sont excellens. Ce sont les Arméniens qui les font, car les Tartares, quoique possesseurs de vignes, n’en vendent même pas le raisin en masse, à cause de la défense du Koran relative au vin.

Le Chirvan est borné au midi par la province de Karabagh, qui a pour capitale la forteresse de Choucha. Le Karabagh a, comme le Chirvan, un gouverneur militaire ; il y a en outre un président du conseil provincial élu par les habitans. La province est divisée en