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jeune prince, qui avait la présidence de ce conseil, voulut se rendre entièrement maîtresse du gouvernement, et sa tentative ayant échoué, elle s’enfuit en Turquie avec son fils. On lui fit dire que, si elle ne le renvoyait pas, elle l’exposerait à perdre sa souveraineté ; mais elle s’y refusa absolument. En 1829, un décret impérial déclara la Gourie province russe. La population de ce pays est de 36 à 37,000 ames. On y parle un dialecte géorgien, mêlé de beaucoup de mots turcs ; la religion est celle du rit grec géorgien. La Gourie, habitée par un peuple belliqueux, qui peut armer 5,000 hommes en cas de guerre, est une bonne frontière contre la Turquie. Au midi de la Gourie russe est la Gourie turque, où se trouve Batoum, l’un des meilleurs ports de la mer Noire. L’Imérétie a 12,000 werstes carrées ; la Mingrélie 7,600 ; la Gourie 1,300 seulement.

La Mingrélie et la Gourie s’étendent le long de la mer Noire. Le seul port important, sous le rapport commercial, qu’ait la Russie sur cette côte, est Redoute-Kalé, dont nous avons longuement parlé à l’occasion du livre de M. Spencer. M. Eichwald n’alla pas plus loin que Redoute-Kalé, et ne visita point les ports de la côte d’Abasie. Il donne pourtant quelques détails sur cette partie du Caucase, mais les renseignemens qu’il a recueillis ne diffèrent point essentiellement de ceux que nous avons donnés précédemment. En quittant la Mingrélie, il retourna à Tiflis ; puis il alla visiter la Kakhétie, qui est la partie orientale de la Géorgie. Les hautes montagnes qui s’élèvent entre la Kakhétie et le Daghestan, sont habitées par des tribus de montagnards aussi belliqueux et aussi remuans que les Circassiens. « Les peuples qui habitent cette partie de la grande chaîne du Caucase, dit M. Eichwald, sont appelés Lesghis ; c’est un nom collectif que les Persans ont donné même aux Kasi-Koumouks, aux Avares et aux autres tribus turques des montagnes. Leurs langues sont peu connues, et semblent différer beaucoup entre elles. Si l’on y joint les langues des autres races, telles que les Ossètes, les Tcherkesses, les Abases, les Tchetchenzes, etc., on reconnaîtra que la diversité d’idiomes qui existe dans le Caucase ne peut être comparée qu’à celle qui a tant surpris les voyageurs modernes chez les Indiens de l’Amérique du Sud. »

Quelques-uns des Lesghis du nord de la Kakhétie sont soumis à la Russie, et lui paient une redevance ; mais cela ne les empêche pas de livrer passage à ceux qui viennent de plus loin pour piller la frontière et de leur servir de receleurs. Ce qui oblige quelques tribus à se soumettre, c’est qu’elles sont forcées par l’hiver de quitter le sommet